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MON AMI JEAN SERAPHIN
le 14 Déc 2012 - 11:19
Charles et la chanson

par Elisabeth Duncker

En nous adressant cet article, Elisabeth souhaite évidemment rendre hommage à Jean Séraphin mais aussi répondre aux nombreuses questions qu'on lui pose sur ce Portail mais aussi sur Youtube, à propos du Club des Amis de Charles Trenet et de son petit journal. C'est grâce à ce travail de documentation et de mémoire que, grâce à Elisabeth, nous pouvons ici partager ces témoignages très intéressants...

... dont voici les têtes de chapitres :
UN PARISIEN A NEW YORK
QUI ÉTAIT JEAN SÉRAPHIN ?
DU NEUF À L’ANCIENNE BELGIQUE
Y’A D’LA JOIE !
UNE POLÉMIQUE…
RETOUR À PARIS
LE PROCÈS D’AIX-EN-PROVENCE
LES 10 ANNÉES DE « Y’A D’LA JOIE ! »
LE NUMÉRO 100…







UN PARISIEN A NEW YORK

C’est le 21 avril 1955 (j’habitais Paris alors) que j’entendis ce concerto pour la première fois à l’Olympia dans la première partie du spectacle Charles Trenet, interprété par l’orchestre de l’Association Symphonique de Paris, sous la baguette de Guy Luypaerts, avec 45 exécutants et au piano Maurice Blanchot, en première audition, comme indiqué dans le programme.
Ce qui n’était pas tout à fait vrai…
Jean Séraphin écrirait dans le bulletin du Club des Amis de Charles Trenet de janvier 1963 :

Un Parisien à New York. Le titre évoque Gershwin. Par astuce et sans crainte, car la partition est pleinement originale. Ma première audition eut lieu pourtant sur la digue de Malo-les-Bains en 1952, quand Charles y vint chanter avec le car Pernod Fils. Mais, parmi la foule qui attendait le spectacle, nous ne fûmes pas nombreux à comprendre qu’il nous offrait ce soir-là bien mieux qu’un tour de chant. Quand, après avoir chanté «La mer», en fumant quelques bouffées d’une cigarette (mais oui !), Charles, prisonnier du car, regarda la foule se disperser, j’eus envie, en passant près de lui, de lui crier “merci pour le concerto”, mais il ne regarda pas de mon côté, et il ne m’aurait pas entendu non plus...

Nota Bene : Ce concerto qui fait un clin d'oeil à Gershwin figure sur le Double CD « Intégrale Charles Trenet n° 10»




QUI ÉTAIT JEAN SÉRAPHIN ?

Il était entré en contact avec moi en 1961, à la suite d’une annonce pour le Club que j’avais réussi à faire passer gratuitement dans Music-Hall , un magazine très en vogue en ces années 50-60.

Il se présenta ainsi à moi :

Pour moi, tout a commencé en 1942, où le collégien que j’étais s’est mis à la recherche d’un disque: Les oiseaux de Paris. Mes grands-parents m’avaient proposé de m’offrir un disque pour Pâques et j’avais choisi ce titre parmi les chansons que j’aimais. C’était la guerre, comme tout ce qui s’achète, les disques étaient rares et il me faudrait plus de cinq ans de patience pour obtenir cet enregistrement qu’un ami me rapporterait finalement d’Angleterre.

J’ignorais ce jour-là que, dans six mois, mes copains de collège me surnommeraient
Charles Trenet, puis dans quatre ans, ceux de la Faculté et dans huit, ceux du régiment ; qu’en deux ou trois ans ma famille aurait considéré comme fait acquis un aussi prodigieux attachement, que ma future épouse apprendrait à connaître les chansons de Charles Trenet en même temps que les défauts de son futur mari, que mes enfants naîtraient et grandiraient en considérant le Poète de la chanson française comme un membre de la famille, et qu’au bout de vingt ans, mes relations d’affaires me demanderaient des nouvelles de Charles Trenet en même temps que les miennes.

J’ignorais que mon cas ne resterait pas isolé et que les amis de Charles Trenet, dont certains n’étaient pas encore nés, deviendraient aussi les miens, grâce à vous et à votre Club.
A vrai dire, j’ai craint longtemps de confronter mon idéal avec sa réalité et j’ai attendu plus de seize ans pour me présenter à lui. Du piédestal où il s’était jusqu’alors trouvé par rapport à moi, il avait créé une partie de ma personnalité et orienté mon adolescence. Ses chansons m’avaient communiqué leur tonus ; pour me procurer ses disques pendant la période des contingentements, pour faire les queues aux guichets du Théâtre Sébastopol quand il venait à Lille, j’avais dû combattre une timidité maladive qui était un fléau personnel, sinon collectif en cette période de l’occupation qui confinait chez elle la jeunesse ; j’avais évolué en même temps que mon modèle et j’avais été le Trenet de
Un rien me fait chanter, puis celui de La mer et celui du Piano de la plage. J’étais désormais assez costaud pour ne plus craindre l’éboulement du piédestal.

Il n’en a d’ailleurs rien été. J’ai compris que j’étais capable de parler de Charles Trenet à n’importe qui, sauf à lui et que, privé de mon sujet de conversation favori, je devais lui paraître bien fade ; et qu’à lui, qui met de sa vie dans mon existence et transfigure de sa poésie ma routine, je n’aurai pas grand-chose à offrir en échange, car une partie imposante de ce que j’ai de bien me vient déjà de lui.
Ce disque des
Oiseaux de Paris dont je rêvais et que j’ai finalement obtenu après tous les autres, c’est le début de quelque chose d’extraordinaire, d’unique et d’indéfinissable aussi ; de quelque chose qui est sans rapport avec la famille comme avec la profession, sans rapport avec tout ce qui peut sembler primordial et qui pourtant englobe et imprègne tout ; quelque chose qui, je le sais maintenant, durera autant que moi…

Jean Séraphin, au moment où je l’ai connu, habitait rue des Postes à Lille, où il avait un commerce de revêtements sol ; plus tard il s’établirait dans un nouveau bâtiment rue du Faubourg de Béthune.
En novembre 1960, nous fîmes plus ample connaissance à Bruxelles pour le tour de chant de Charles Trenet à l’Ancienne Belgique.




« DU NEUF À L’ANCIENNE BELGIQUE »

C’est le titre de ce reportage succulent qui fut une de ses premières contributions au journal  du Club :

Je ne connaissais pas cette salle, mais, en y entrant, j’ai revu un décor familier : le café-concert de La romance de Paris ; un grand théâtre et en même temps, un grand café où les spectateurs fument dans une atmosphère d’aquarium et de plantes vertes, en consommant, le plus souvent, le litre de bière, tandis que les garçons se faufilent avec leurs plateaux entre les tables et, croyez-moi, n’oublient personne.

L’immense salle est comble, le public ne demande qu’à se laisser séduire ; mais il y a la fumée, le bruit des allées et venues et de la vaisselle, une sonorisation un peu vibrante. Qu’à cela ne tienne ! Charles a étudié un choix de chansons qui vont répondre aux exigences de la salle et du public, un tour de chant percutant et, j’ose dire, parfait.

Ci-après les titres des chansons interprétées ce samedi 5 novembre en soirée :
Bonsoir jolie madame, Ma philosophie, Les relations mondaines, Le jongleur, Le piano de la plage, Giovanni, La java du diable, Mam’zelle Clio, Obéis au bey, Qu’est devenue la Madelon, Moi j’aime le music-hall, Boum, La route enchantée, La mer... et aussi un “extra”: Je chante.
Le final de
La Mer reste un moment inquiétant, car Charles le pousse au détriment de ses cordes vocales. Ce n’est plus la mer “qui berce”, c’est l’ouragan, le raz-de-marée ; sauve-qui-peut, nous allons couler.

Et voilà, le tour de chant s’est terminé dans l’enthousiasme et les rappels. Freddy Lienhart remporte sa musique et retourne à l’hôtel.

Puis, dans la salle, Charles apparaît. C’est une véritable prouesse que de tenir la scène deux fois par jour pendant deux semaines dans une telle salle. Il est fatigué, mais il reste simple et charmant. Tout de suite, il s’installe à une table, remplit des pages de cahiers d’autographes, signe des programmes, tous les papiers qu’on lui tend, satisfait les exigences des photographes amateurs qui grillent ampoule sur ampoule:
Encore une, s’il vous plaît... Il prend la pose: Il faudra me les montrer, elles sont souvent mieux réussies que celles des professionnels.
Il sort et rentre à l’hôtel, à pied. La Rolls Royce ivoire ne quitte pas le garage. Le temps est doux et le boulevard est tout illuminé.

Charles presse le pas, des gens se retournent et s’étonnent de le voir ainsi se promener tranquillement. Il est en liberté, en liberté surveillée, bien sûr, par ses admirateurs : qu’il les excuse d’être toujours dans ses jambes.

Il rencontre des amis, aussi, qui lui parlent enfin d’autre chose que de lui et de ses chansons. Nous le précédons à l’hôtel et quand il y arrive à son tour, il est seul. Il nous serre la main et bavarde un peu avec nous, avant de regagner son appartement.


Jean ferait pour notre petit journal des chroniques sous le titre A bâtons rompus. Il les a rompus pendant près de huit ans.




Y’A D’LA JOIE !

Nous collaborâmes longtemps et le petit journal du club devint un mensuel respectable d’une douzaine de pages, dactylographiées naturellement, (on était encore loin des moyens sophistiqués d’aujourd’hui !) – et appelé désormais Y’a d’la joie !. En outre, Jean s’occupait du courrier du club, ce dont je me félicitais, car un Club Charles Trenet devait avoir son siège en France et non aux Pays-Bas.

Nous nous revîmes en 1961 à Paris, à la Première du récital de Charles Trenet au Théâtre de l’Etoile, et depuis, nous partageâmes nos heurs et malheurs avec le Maître.




UNE POLÉMIQUE…

Dans Y’a d’la joie ! de mai 1961, Jean fit état de la chronique de la main de Jacques Parrot parue dans le numéro 16 de La Semaine Radiophonique, et ainsi conçue :




LETTRE DE JEAN SÉRAPHIN À JACQUES PARROT, datée du 15 avril 1961 :
Le contenu de la chronique de ce No.16, intitulée Charles Trenet à l’Etoile m’a étonné et je vous le dis très sincèrement.
Entre parenthèses, je vous écris de Lille : si les membres parisiens du Club des Amis de Charles Trenet ont choisi pour secrétaire un
supporter provincial, ce n’est pas pour apporter de l’eau à votre moulin, mais parce qu’ils ont compris avant vous qu’à l’époque des cosmonautes il n’est plus de province, excepté le souvenir de celle qui a servi de souche… aux parisiens.
Vous êtes élogieux sur le talent de Charles Trenet et en cela vous rejoignez vos confrères qui l’ont unanimement souligné. Vous affirmez par contre que le public ne s’est pas dérangé et que
l’ex fou-chantant a dû disparaître de l’affiche.

Je ne voudrais pas à mon tour risquer de paraître partial et je me contenterai de vous préciser deux points dont vous pourrez facilement vérifier l’exactitude :
- Dès le mois de février, avant la Première, le Récital était prévu pour commencer le 3 mars et se terminer le 9 avril. Il n’y a donc pas eu disparition à cette dernière date, mais impossibilité, par suite des engagements de Charles Trenet et du Théâtre de l’Etoile, de prolonger les représentations.
- Le Théâtre de l’Etoile a demandé à Charles Trenet de se produire, pour un nouveau Récital, à partir du 4 octobre ; et je ne sache pas que son directeur, plus qu’un autre, aime à perdre de l’argent.
En fait, une phrase de votre article (
30 chansons nouvelles présentées en alternance par tranches de dix ) m’incline à douter de votre présence, ne fût-ce qu’à une seule des trente quatre représentations. Il est certain en tout cas que vous n’êtes pas allé deux fois à l’Etoile et c’est dommage, car l’étourdissant accueil réservé à Charles Trenet par un public où se trouvaient représentés tous les âges et qui, inlassable, après 34, 35 ou même 37 chansons, en réclamait d’autres, ne vous aurait pas laissé l’envie de tirer des conclusions un peu… hâtives.

Cette
œuvre encore inégalée et toujours unique (Brassens compris, soit dit en passant sans mettre en cause son talent) est celle de la plus solide valeur de la chanson : Charles Trenet, à Paris comme dans toutes les capitales du monde, reste l’un des promoteurs les plus sûrs du prestige de la poésie française ; mais cela, vous le savez bien.

REPONSE DANS LE CAHIER DES RECLAMATIONS DE LA SEMAINE RADIOPHONIQUE
M. Jean Séraphin, du Club des Amis de Charles Trenet, conteste gentiment certains aspects de retentissement du récital de l’Etoile que nous avions évoqués. Bien entendu, nous maintenons nos dires. Mais sur la personnalité et le talent de Charles Trenet, notre correspondant est d’accord avec nous. N’est-ce pas l’essentiel ? »



Et le commentaire de Jean Séraphin dans ses « Bâtons » de juillet 1961  :
… Puis-je maintenant m’adresser à vous, cher Monsieur Parrot de
La Semaine Radiophonique et vous mettre en garde ? La mauvaise foi n’est pas payante. Je conçois bien qu’une mouche méchante ait pu passer dans votre salle de rédaction, ou alors une mauvaise digestion ; d’autant que votre hebdomadaire tient essentiellement à conserver ses derniers abonnés et que ses critiques sont généralement conçues pour plaire à tout le monde. En résumé, sur le vu de je ne sais quelles informations, vous avez écrit que si Charles Trenet avait été parfait dans son dernier Récital, les briseurs de fauteuils ne s’étaient pas dérangés (ce n’est pas pour déplaire à M. Cherrier, le directeur de l’Etoile), leurs papas non plus et que finalement  l’ex fou-chantant a dû disparaître de l’affiche. 

Les journalistes ne devraient pas disserter sur les sujets qu’ils ignorent, mais je vous accorde qu’ils le font tous et, honnêtement, chacun peut se tromper.
Toutefois, je vous ai écrit, non seulement pour vous faire remarquer que vous étiez dans l’erreur, mais aussi pour vous donner les moyens (à votre portée) de le vérifier. Alliez-vous les utiliser, ou tout au moins en faire état ? Pensez donc ! Une réponse vaseuse est venue dans vos colonnes : « Bien entendu, nous maintenons nos dires. »
Cher Monsieur Parrot, vous aviez une position bien facile pour essayer de retourner la situation à votre profit. Vous n’y êtes pas vraiment parvenu. Le « bien entendu » est de trop ; vous en rajoutez, ce n’est pas habile. Et vous terminez par une pirouette ; c’est parfait, tant qu’on ne s’y casse pas le nez.
Charles Trenet aura bien des occasions de vous donner tort. Mais, la prochaine fois, je vous en prie, avant de parler du récital … venez-y !


Enfin, Jean Séraphin écrivait à Charles pour le mettre au courant de son intervention auprès de La Semaine Radiophonique, et, en même temps, pour lui demander un article exclusif ou un texte inédit, rien que pour le Club ou en « avant-première » pour le Club.

Sa réponse ne se fit pas attendre :
Cher Jean Séraphin,
Votre lettre est comme toutes celles que vous écrivez : un modèle !
Je vais tâcher de pondre un article pour le Club. Je vous l’enverrai dans 8 ou 10 jours. (Mais il s’envolerait pour Tahiti, le mois suivant, sans avoir donné de ses nouvelles…) Tout d’abord il faut que je pense aux prochains enregistrements.
J’espère qu’ils plairont à Mr Parrot, dis !
Je vous serre amicalement les mains, heureux de me sentir parfois à l’abri de vos zèles !
Charles.



RETOUR À PARIS

Le 18 avril 1962 Jean l’accueillit à Orly, à son arrivée du Canada, après une tournée de quatre mois là-bas.
A vrai dire, écrivit-il dans le journal du Club, j’ai bien failli le manquer. Le trajet en voiture du Bourget à Orly demande presque autant de temps à huit heures du matin que celui de Lille au Bourget et je ne l’avais pas prévu. L’avion du Canada était arrivé une demi-heure avant moi. Bénies soient les formalités administratives et douanières qui m’ont permis de retrouver Charles dans le petit salon où il recevait, avec Madame Trenet, Madame Roget, Monsieur Hebey, sa famille et ses amis.
Il ne s’attendait pas à ma visite. En apprenant que j’arrivais à l’instant de Lille, il m’a dit : « Vous êtes comme moi : vous n’avez pas beaucoup dormi cette nuit. »

Je lui ai alors posé quelques questions :
- Vous allez vous reposer maintenant…, mais pas trop longtemps, j’espère ?
- Pour cette année, je prépare surtout ma tournée des plages et quelques galas à l’étranger. Je ne veux pas chanter tout de suite à Paris et j’ai refusé un contrat pour octobre. Je ferai une rentrée en octobre 1963 à l’Olympia.
- Vous avez eu un énorme succès en Amérique...
- Je suis content, cela a bien marché. Notamment le Canada m’a redécouvert. Il y a sept ans que je n’avais pas chanté là-bas.
- Avez-vous ramené avec vous quelques nouveaux titres ?
- (Il rit) Oui, il y en a quelques-uns.
- Pouvez-vous m’en citer un ?
- Il y a « A l’Elysée, Bamboula ! », c’est l’histoire d’un petit nègre… (Il rit plus encore)
La voiture a été avancée, on y met les bagages et le bouquet d’œillets du Club. Madame Trenet tient un ravissant kangourou en peluche. Il porte à son cou une petite pancarte : « Prix Vincent Scotto 1962 ». C’est un cadeau des éditions Chappell.
Charles est monté dans la voiture avec Madame Trenet et Madame Roget. Le chauffeur attend que j’aie fini mon bavardage. Il est temps de prendre congé.
Pour que mon reportage soit complet, je dois faire état d’autres précisions que Madame Trenet m’avait communiquées par téléphone. Charles Trenet a déjà des propositions pour une nouvelle tournée de six semaines, l’an prochain, au Canada. Dans l’immédiat, il doit participer à des émissions à la radio et à la télévision. Il sera la vedette d’un gala à Luxembourg, le 1er mai.
Pour être encore plus complet, je dois ajouter que notre ami m’a paru en grande forme. Ni le voyage, ni le décalage horaire ne semblaient l’avoir fatigué : il était souriant et détendu.
Moi aussi, en quittant l’aérogare.

(Exclusif « Les Amis de Charles Trenet »)





LE PROCÈS D’AIX-EN-PROVENCE

Le 8 janvier 1964, Jean Séraphin fut appelé à témoigner dans le procès à Aix-en-Provence, ce qui nous valut une édition spéciale de « Y’A D’LA JOIE ! ».
J’en détache ce passage :

« L’an mil neuf cent soixante quatre et le six janvier,
A la requête de Monsieur Charles TRENET …
J’ai, Albert CHAVATTE, huissier de justice …
Donné citation à Monsieur Jean SÉRAPHIN…
À comparaître le mercredi 8 janvier 1964 à 8h30, à l’audience et par devant Messieurs les Président et Conseillers composant la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, Chambre Correctionnelle, au Palais de Justice pour :
Dire la vérité et déposer comme témoin sur les faits pouvant être à sa connaissance dans une affaire, concernant le requérant. »

Ce six janvier, il était 17 heures. Il m’en restait 39, plus la moitié d’une, pour traverser la France.
Je n’aurais pas osé demander à Charles Trenet de me citer pour témoin. Je le lui avais seulement suggéré. En m’appelant, il a témoigné de sa confiance et j’ai pu l’en remercier.
Je me suis présenté à la barre, non comme un capitaine courageux à la Kipling, mais comme un petit homme sincère à qui la timidité de son enfance serait brusquement revenue au niveau des cordes vocales. J’ai vu les juges et le procureur et non Charles Trenet qui était assis avec son dénonciateur Derlin au banc des prévenus.

A un moment toutefois, j’ai voulu me retourner vers notre ami. J’ai regardé vers la droite et c’est Derlin que j’ai aperçu. Et je ne me suis plus retourné. Après ma déposition, on m’a invité à prendre place dans la salle. De Charles, je n’ai pratiquement vu qu’une nuque blonde. Il n’a pas dit un mot de toute l’audience.
Ses avocats auraient souhaité une audience publique. Le procureur a demandé et obtenu le huis-clos. Pour ma part, j’ai pu tout entendre. Mais le jugement ne sera rendu que le 22 janvier et je tiens à ne rien dire aujourd’hui.

J’ai prêté serment de dire toute la vérité. Je tiendrai mon serment et s’il le fallait, on n’aurait pas fini de m’entendre.

Je suis stupéfait. Stupéfait que l’on ait pu conserver tout un mois, en détention préventive, un homme contre lequel existait seulement un
dossier à la France-Dimanche.
Stupéfait qu’un jugement d’acquittement n’ait pas été rendu sur le champ et cela uniquement parce qu’il apparaîtrait maintenant souhaitable de justifier cette détention.
Stupéfait de penser que le Ministère et la Défense, chacun de son côté, puissent envisager déjà un recours à l’appel, alors que le juge d’instruction avait promis à Charles Trenet un non-lieu pour le 15 juillet.
En me quittant, après l’audience, notre Poète m’avait invité à venir le lendemain matin, visiter le Domaine des Esprits. Il avait même ajouté, avec cet humour dont la qualité lui est si coutumière : « Si vous ne trouvez pas votre chemin…, demandez-le donc à la police ! »
J’ai trouvé ma route sans peine. Et je n’ai pas hésité à sortir mon magnétophone de poche et à lui demander, à brûle-pourpoint, s’il acceptait d’y confier un message pour les amis du Club.
C’est ce message improvisé que vous lirez maintenant :

Chers amis du Club, nous voici dans ce fameux Domaine des Esprits, en compagnie de votre président, Jean Séraphin. Nous nous promenons sur les petits chemins que j’ai fait tracer dans la campagne, des petits chemins en ciment où, tous les matins, quand je suis en vacances, je cours, je marche, je pense ; je pense bien souvent à vous, comme j’y pense aujourd’hui, comme je pense à tous mes amis qui m’ont soutenu dans cette épreuve qui fut très dure, qui n’est pas encore terminée, mais qui, j’espère, se terminera avec bon droit.

Car, si j’ai eu un tort dans cette chose, c’est de faire trop confiance.
Mais pourquoi est-ce un tort de faire trop confiance dans les jeunes ?

Mes chansons, je les fais pour les jeunes. Mais pour les jeunes de tous les âges ! Effectivement, on trouve beaucoup plus de jeunesse parmi les gens qui ont moins de vingt ans. Mais croyez bien que j’ai trouvé aussi beaucoup de jeunesse parmi ceux qui avaient plus de vingt ans ! Seulement, il est plus difficile de conserver sa jeunesse que de l’avoir. La jeunesse est une chose éphémère.
Bernard Shaw dit :  La jeunesse est une chose tellement précieuse qu’il est dommage de la laisser gâcher par les enfants.
Picasso dit aussi:  La jeunesse est une chose qui prend du temps.
Alors, croyez-moi: essayez de la conserver, cette jeunesse que vous avez, de façon à n’être jamais des vieux... mais des gens qui ont de l’âge.
A bientôt !

Charles TRENET.
(Reproduction interdite. Tous droits réservés … à Charles Trenet).




LES 10 ANNÉES DE « Y’A D’LA JOIE ! »

Un de ses « Bâtons  » fut consacré aux dix années de « Y’a d’la joie » et parut dans le Numéro 93 de février 1967 :

Février 1957 – février 1967 : ce numéro est celui du dixième anniversaire pour notre cher «Journal des Amis de Charles Trenet ».

Il faut encore remonter un peu plus loin dans le temps pour y trouver l’origine de notre Club. Elisabeth Duncker, notre Présidente, l’a raconté dans ses « Souvenirs » qui firent justement la valeur des premiers fascicules de notre bulletin.

Replaçons-nous d’abord dans le contexte. Notre jeune et hollandaise future présidente avait eu la « révélation » de Charles Trenet à l’âge de quinze ans. Quelques années plus tard, elle avait découvert, dans le courrier de « Cinémonde » une lectrice qui signait « Petite Trenetiste » et cela avait été le début d’une correspondance assidue. En mai 1954, Elisabeth était allée passer quelques jours à Paris, avait retrouvé « Petite Trenetiste » et l’idée était venue à nos deux ferventes admiratrices de fonder un Club Charles Trenet. Oui, mais il fallait d’abord l’autorisation du Poète et dans ses premiers « souvenirs », elle raconte comment elle accéda à la loge de Charles Trenet, après son récital à Scheveningen, le 24 août 1954, pour lui demander l’autorisation à fonder un Club en son honneur.
Il donna aussitôt son accord en écrivant cette phrase pour nous « historique » :
« Je vous autorise à fonder le Club Charles Trenet et je vous en remercie. »

En septembre 1954, non seulement elle revoyait Charles Trenet, notre décidée présidente, mais, comme c’était prévu, elle s’installait à Paris, elle constituait son Club, recrutait ses adhérents, déposait ses statuts. En outre, elle apprenait à parler le français fort couramment.

Son stage en France se prolongea sur les années 1955 et 1956. Ces années-là, le Club eut des réunions régulières. Puis Elisabeth regagna la Hollande, début 1957.
Rentrée chez elle, elle imagina le meilleur moyen de rester en contact avec ses amis : un bulletin mensuel à l’intention des membres du Club. Le premier sortit dès le mois de février ; bien modeste, comme tous les grands journaux à leurs débuts : quatre pages polycopiées. Au sommaire : un article de fond signé P.Q. et intitulé « Au revoir… la Présidente » ; la rubrique des « nouveaux disques » sur le tour de chant enregistré à l’Olympia ; le texte de « La maison du poète » ; les projets de Charles Trenet pour février ; un poème intitulé : Où sont-elles donc ? signé Henri Alberti et où figurent beaucoup de titres de chansons.

Modeste, comme tous les grands journaux à leurs débuts.
Mais, au bout de dix ans, celui-ci n’a-t-il pas plus de mérite encore d’avoir « tenu le coup » ? Peut-on s’imaginer la somme de persévérance, de courage, d’obstination, d’abnégation qu’il a fallu pour tenir un tel travail à bout de bras sans vraiment jamais défaillir ? Y a-t-il beaucoup d’autres exemples, dans notre modeste genre ?
Je sais bien, nous avons de solides appuis pour la rédaction. Pour ma part, j’ai même assuré l’intérim un certain temps. Mais j’ai, le plus vite possible, repassé l’étendard à qui avait la volonté nécessaire pour assumer un travail matériel considérable aux heures dites perdues, mais pour « sortir » le journal à dates fixes sans jamais « craquer ».
C’est dire que j’ai repassé le flambeau à Elisabeth. Cet anniversaire est le sien, notre fête est la sienne.

Tout est venu de ce fameux soir à Scheveningen où elle a eu l’audace de poser sa question. Si Charles Trenet avait répondu « non », la face de notre terre à nous en eût été changée, peut-être : Charles Trenet a beaucoup d’intuition et il avait certainement perçu qu’il valait mieux dire oui dès la première fois…





LE NUMÉRO 100…

Et voici ce que Jean écrivait pour le No. 100 (et le dernier) de « Y’a d’la joie » de décembre 1968, qui seraient aussi ses ultimes BÂTONS ROMPUS :

A Vous, qui nous quittez…
Comme à la fin d’un bel été…


Ces vacances d’août sont mon premier souvenir. Il n’a pas fait bien beau. Mais on peut toujours, quand l’eau ruisselle sur les vitres, entamer d’un air un peu nostalgique « Madame la Pluie, grande dame qui s’ennuie, dans son château là-haut, derrière ses rideaux gris » , ou chanter en même temps que le transistor « tip et tip et tip top et tap » pour égayer la pension de famille. Le soleil finit toujours par revenir et c’est alors qu’en détaillant couplets et refrains on apprécie cette simple et merveilleuse poésie de la nature, sur place, loin des électrophones : « quelle est cette goutte sur la joue de cette fleur ? C’est la rosée qui met partout, qui met des larmes de bonheur. »
Ou que vous soyez, quoique vous disiez ou pensiez, il y a une chanson de Charles Trenet.
S’en vont les jours de joie et de sourire
vous, pour qui notre cœur soupire…


Cette chanson, nous devrons peut-être désormais la chanter tout seuls. Il faut se rendre à l’évidence qui a suivi les vacances. Nous devions aller à Amiens applaudir notre ami à la Maison de la Culture, mais il a résilié son contrat; puis à Aubervilliers, au Théâtre de la Commune, mais il a annulé aussi. Peut-être ne l’aurions-nous pas suivi dans ses tournées prévues au Mexique, au Canada et au Japon, mais il a décidé de toute façon de ne pas les faire. On comprend qu’à ce point il ne vienne pas à la télévision, qu’il n’écrive pas de nouvelles chansons ni ne fasse de nouveaux disques.
Pourquoi? Il ne saurait s’agir d’une retraite anticipée. Disons donc pause, renoncement provisoire à toute activité professionnelle...

Vous qui savez bien
que désormais plus aucun lien
aucun aveu, serment folle promesse
ne rendront notre cœur triste ou joyeux…


Ai-je été triste ou joyeux en entendant ce bouleversant hommage de Catherine Sauvage à Charles Trenet, cette « chanson d’amour » comme elle dit, et qui est intitulée : « Le grand monsieur blond » ? On ne détermine pas nécessairement la nature des sentiments qui vous picotent les yeux. Puissent tous nos amis acheter le disque de Catherine Sauvage, car il faut rendre hommage aussi à qui connaît si bien l’univers du Poète.

Ai-je été triste ou joyeux de lire cet autre hommage de Paul Guth (*) dans « Lettre ouverte aux idoles », cette lettre que je devrais apprendre par cœur et qui conclut : « Vous méritez la promesse d’immortalité contenue dans toute œuvre inoubliable, que vous vous êtes offerte, un jour, pour vous consoler d’avance du mal que l’on vous ferait et pour annoncer la victoire que tout grand créateur remporte, dans les siècles, sur l’Envie. »
Je crois avoir été plutôt triste, portant, comme tant d’autres et pour tant d’autres, ce poids « de remords et de honte » que définit si bien Paul Guth, même s’il se croit obligé, par pudeur, de prendre l’accent du soûlard pour l’exprimer : « Charles, mon vieux Charles, à ton égard, ces dernières années, les jeunes, les vieux, les moyens, on s’est tous conduits comme des porcs ! »

C’est à vous, à vous jeunesse,
que nous disons adieu.


Voyez-vous, il faut bien que cela finisse un jour et plus encore si vous ne nous aidez plus à la supporter, si vous nous quittez.
Finis sans doute, les petits voyages qui la formaient et qui vous rejoignaient, finis sans doute l’enthousiasme transcendant de vos tours de chant, l’ambiance revigorante des répétitions, la fréquentation des coulisses que nous aimions parce que nous y faisions alors un peu partie de votre famille.
Pour moi, l’opération va déjà se matérialiser par le renoncement à mes talents littéraires.
Bon sang! C’est notre numéro cent! Nous avons eu un peu de mal à l’atteindre celui-là, mais notre Présidente y tenait déjà en écrivant le numéro un. Nous aussi.
Cela me ferait mal au cœur d’écrire ici qu’il n’y aura jamais de numéro 101. On ne se saborde pas comme cela, après tant d’années. Disons simplement que nous ne réclamerons pas de cotisation à nos adhérents pour 1969, que nous éditerons un numéro spécial à l’occasion de la plus prochaine grande Rentrée de notre ami, s’il s’y décide un jour, qu’en attendant nous mettrons comme lui nos activités en veilleuse et qu’en agissant ainsi, nous répondrons très certainement à son désir.
Bonne année à tous nos amis ! Et bonne année à vous aussi, Charles !
Donnez-moi tort. Et pardonnez-moi d’avoir un peu tarabiscoté, pour illustrer ces bâtons, une chanson qui n’était pas à moi et que j’ai empruntée sans avoir l’intention de vous la rendre complètement parce que je vous aime bien tous les deux, elle et vous.
Je ne le ferai plus.
Ah ! si pourtant :
Je vous dis adieu
jusqu’à ce que je me sente mieux…

JEAN SÉRAPHIN.


Le Club n’existait plus, mais l’amitié est restée, de part et d’autre.

Il quitta pour quelques jours son cher Jura où il s’était retiré depuis 1972, pour voir Charles une dernière fois à l’Olympia en 1975. Il mourut en 1997 à l’âge de 70 ans.

Jean Séraphin – je tiens à le souligner - c’était un écrivain !
Et j’espère pouvoir partager avec vous, sur ce Portail, d’autres reportages et chroniques qu’il écrivit pour les Amis de Charles Trenet. Vous en avez déjà pu lire quelques-uns que j’ai sélectionnés  :  « Sports Dimanche »,  « Le Roman des Vedettes »,  « Chansons sans époque» et récemment :  « Charles Trenet à la kermesse de la bière à Maubeuge »
A suivre donc…



(*) : Paul Guth, né en 1910, mort en 1997, commença une carrière classique, pour se consacrer ensuite à la littérature. Romancier, journaliste, pamphlétaire, homme d’esprit, il était notamment l’auteur de la saga des Naïf qui compte sept volumes.
Dans sa
Lettre ouverte aux idoles publiée en 1968 chez Albin Michel, il consacre 12 pages à Charles Trenet dont voici quelques lignes – et combien restent-elles encore valables aujourd’hui ! :
...Les jaloux feignent de croire que vous n’existez plus. Ils vous ont enfoui dans l’océan de l’oubli. Pour eux vous êtes fini, liquidé, lessivé...Vous êtes plus que mort et pourri, plus irrémédiablement disparu que si l’on avait semé vos cendres au vent. On dirait que vous n’avez jamais existé... Mais nous sommes quelques-uns, perdus dans la foule, qui fredonnons encore vos chansons, non seulement parce qu’elles nous rappellent notre jeunesse, mais parce que ce sont des chefs-d’œuvre…
On a pu voir Paul Guth, qui était un grand admirateur de Trenet, en décembre 1987 sur FR3 dans
Chapeau M. Trenet avec notamment de larges extraits du tour de chant que Charles donna sous la pluie, à l’occasion de la Nuit de la Musique, au Trocadéro à Paris.
Pour la petite histoire : Sur le DVD
La vie qui va on voit à la plage 37 Charles chantant Boum ! au Premier Palmarès, le 29 octobre 1965 et Jean Séraphin en spectateur dans la salle.
 
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MON AMI JEAN SERAPHIN | Connexion/Créer un compte | 2 Commentaires
  
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Prière des Prisonniers
par Dominic (Envoyez un message) le 19 Déc 2012 - 10:16
Grâce à Janet et Elisabeth Duncker, voici la Prière des Prisonniers que Charles rédigea lors de son séjour à la prison d'Aix-en-Provence :


Interview sortie de prison (1963)
par Dominic (Envoyez un message) le 19 Déc 2012 - 10:28
Pour écouter une interview où Charles évoque sa détention,  « c'est ici »

Contact : webmaster@charles-trenet.net

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