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par Dominic Daussaint
Le volume n°9 de l'Intégrale de Charles Trenet est – enfin - sorti. Il couvre les années 1952-1953, sous le titre "En avril à Paris".
Il est si long, le délai entre la parution de chaque double-cd de l'Intégrale de Charles Trenet que c'est chaque fois un événement !
Au passage, rendons hommage aux Editions Frémeaux, à Daniel Nevers pour le courage et la persévérance qu'ils mettent dans ce travail de longue haleine. Quelle persévérance, quelle ambition car Charles Trenet s'est montré très prolixte dans la création d'une oeuvre qui s'étend, de surcroit, de 1933 à 2001 !
Alors, compiler tous les enregistrements réalisés en France et de par le monde, au gré des voyages de l'artiste, c'est déjà une gageure. Mais si, les iniateurs du projet, entendent aussi reproduire les versions enregistrées par d'autres artistes de par me monde... les émissions radio-tv... je m'interroge : quand nous pourrons disposer du dernier double-cd de l'intégrale complète ? En 2055 ? Génial, j'aurais 100 ans !
N'empêche, chacun des numéros de cette Intégrale intéressera au plus haut point le trenetophile convaincu. Et ce numéro 9, lui aussi, recèle quelques petites perles.
Parcourons le livret rédigé par Daniel Nevers :
(...) Depuis la fin de la guerre, Charles a passé le plus clair de son temps (...) à se balader aux quatre coins d'une planète presque ronde. C'était certes pour la bonne cause : communiquer la chaleur de ses chansons heureuses (ou parfois tristes) aux peuples lointains et défavorisées qui en étaient jusque-là cruellement privées.
Résultat, il n'a fait des disques qu'au début du printemps et à l'automne. Le reste du temps, il s'amusait en Amérique du Sud. (...) Il écuma surtout le Brésil… Ce n'était certes pas la première fois : des Printemps à Rio en plein mois d'octobre (...), il s'en était déjà payé plus d'un. Il en avait même fait une chanson…
En tout cas, ce Printemps automnal ne fut point ceux de 52 et 53, puisqu'en octobre de ces années-là, Charles, heureux de revoir Paris, mettait les bouchées doubles dans les studios du disque, de la radio et de la télévision. Il avait pris du retard, mais n'éprouvait pas trop l'envie de le rattraper. Un autre octobre alors ? (...) Peut-être bien celui de 48 ou de 49 ? Puis il avait laissé la chanson se décanter comme il le faisait parfois (...) avant que de l'offrir au public et au phonographe. Printemps à Rio, en tout cas, ne fut enregistré que le 9 octobre 1952 et décrocha un Prix du Disque l'année suivante… Trenet explique à la T.S.F. la gestation de sa chanson (...), mais se garde soigneusement de fournir la moindre date. Ces artistes qui ne voient pas le temps passer !…
On trouvera ici d'autres plaisantes évocations du Pays des sambas, de sa baie sublime et de son étonnant pain de sucre, à commencer par la première plage du recueil : une rare version locale de La Mer, retitrée comme il se doit O Mar. (...) Cette O Mar-là, Trenet aurait difficilement pu l'entendre, vu que le disque en question ne fut jamais distribué en Europe, non plus qu'aux USA. (...)
En revanche, Charles Trenet revendique bien, la musiquette de O Tropeiro, poème en langue portugaise (...) à lui confié par un garçon du cru qu'il aurait tiré d'une situation embarrassante. Dans une autre version des faits, le garçon serait en réalité une fille à qui il aurait prêté une robe… Quoi qu'il en soit (...), nous disposons ici d'une amusante version radio, émaillée de commentaires faussement naïfs dans la langue de Racine.
On trouvera dans le présent recueil nombre d'autres documents dont l'origine, le plus souvent radiophonique, ne permet pas toujours de fournir toutes les informations souhaitées. C'est par exemple le cas de cette série de malicieux clins d'œil à Suzy Solidor, Damia et Cocteau (...).
.. on se souvient sans doute que Charles et Johnny enregistrèrent entre le 23/07 et le 30/09/1935 (…) dix-sept concerts d'une quinzaine de minutes chacun (d'où leur nom de Quart d'Heure des Enfants terribles), patronnés par les filatures de "La Redoute" (à Roubaix) (...). Dans notre volume 2, nous avons reproduit à peu près tous les titres issus de ces radios donnant à entendre Charles, Johnny, ensemble ou séparément, ou bien en compagnie de leurs invités. Toutefois, Le Bout du Monde (12 septembre 35 - diffusion le 30) et Quand on est jeune (28 septembre 35 - diffusion le 2 décembre) nous avaient échappé. On les trouvera ici (...) avec les annonces de début et de fin.
(...) En bout de recueil, on découvrira aussi, à l'occasion d'une radio mal identifiée de 1939, cette Chanson des Amoureux que Trenet n'enregistra point commercialement. (...) Idem pour Amour, Amour (...) qu'interpréta en 37 la tristement oubliée chanteuse Yolanda. Là, il s'agit bien d'un disque "du commerce'' et Trenet n'a guère non plus enregistré cette aria au demeurant pas terrible, dont il n'écrivit d'ailleurs que les paroles. La musique est quant à elle l'œuvre de Christiane Verger, vieille copine des frères Prévert qui, avant Kosma ou Wiener, fut la première à mettre en chansons plusieurs poèmes de Jacques (...).
Le plat de résistance de tous ces documents rares, c'est (...) cette Joie de vivre (...), que lui consacra la Radiodiffusion télévision Française dans le courant de l'année 1953 (...) À peu près tout ce que comptait alors la scène, l'écran, le cabaret, le music-hall (...), y eut droit, Charles trônant parmi les privilégiés. Au début, tout était diffusé en direct à la fois sur les antennes de la T.S.F. et sur celles de la télé encore adolescente. Rapidement, on s'aperçut que certains moments, très visuels sur le petit écran, passaient plutôt mal à la radio. Du coup, on décida de dissocier les deux passages en commençant par la version image en direct, puis en programmant (...) les jours suivants, une version remontée, (...) plus conforme aux canons radiophoniques.
(...) Voilà pourquoi plusieurs invités nommés dans le générique (...) durent paraître à la télé, mais ont disparu de la version radio, la seule parvenue jusqu'à nous. (...) Le panorama est plutôt éclectique qui se plaît à mêler les vrais proches du chanteur, comme Mireille, Jean Sablon ou son impresario-pianiste Maurice Roget, et des artistes plus lointains, qu'il connut à l'un ou l'autre moment de sa carrière, tels Louis Ducreux, comédien-auteur occasionnel de chansons farfelues, et Georges Auric, compositeur heureux, cette année-là, de la musique du film de John Huston Moulin Rouge (...) L'enregistrement n'est, il est vrai, pas toujours très bon et le montage à grands coups de serpe n'arrange rien. Ainsi, le duo entre Mireille et Trenet est-il complètement loupé, ce dernier se trouvant quasiment hors micro… Heureusement, De la Fenêtre d'en haut, La Jolie Sardane, Y’a d'la Joie ! et J'ai ta Main, par Charles en solo, avec simple accompagnement de piano ou avec la grande formation de Jacques-Henri Rys, sont bien plus réussis. À noter que Roget, en interprétant la Mer à la sauce Wagner, fit œuvre de pionnier : des années puis tard, de talentueux arrangeurs proposeront à de beaux orchestres symphoniques tout plein d'"à la manière de" sur les plus fameuses mélodies de Trenet.
A tout cela, il convient évidemment d'ajouter le plus tangible, le plus palpable : (...)
les disques (...). En 1952-53, pour des raisons déjà évoquées, la production ne fut point pléthorique : neuf titres seulement en 52 - année où il fit partie de la caravane du Tour de France - (...) dix l'année suivante (...).
Certes, la production en question était encore bien plus restreinte une dizaine d'ans plus tôt, mais le contexte était quelque peu différent !
A cela, il convient bien sûr d'ajouter ce 33 tours, 25 centimètres, intitulé Charles Trenet et Jacques Hélian vous imitent à danser, conçu en trois séances à la fin de novembre, qui reprend, sous la forme de pots-pourris joliment agencés, les principaux succès du Maître. Bien que n'abordant aucune nouvelle aria, ce microsillon reste sans doute le mieux venu de la série, qui propose de nouveaux arrangements soigneusement mis au point et exécutés par des musiciens appartenant à une grande formation régulière, (...). La belle présence des voix féminines (...) fournit un agréable contraste. donne un remarquable tonus à l'ensemble, et la complicité des accompagnateurs, ravis, confère à Trenet un dynamisme, une flamme, dont il lui arrive parfois de manquer lors des sessions "normales".
Note de Dominic Daussaint : La légende (mais en est-ce une ?) voudrait qu'initialement, Trenet n'avait pas prévu d'apporter sa contribution à cette session mais, en visite au studio le premier jour de l'enregistrement et séduit par la qualité de l'orchestration, il décida, ex-abrupto, d'y pousser la chansonnette.
Au demeurant, certaines chansons retenues lors de ces séances de 1952-53 paraissent n'avoir pas toujours bien résisté à l'épreuve du temps (...). Certes, les anciens doivent forcément se rappeler Printemps à Rio, le quelque peu amer En ce temps-là (...), La jolie Sardane, Bouquet de Joie (version disque tardive de la chanson du film - voir volume 8), Quand un bateau blanc, En avril à Paris (évidemment!), à la rigueur Valse de Amours passées (une chanson de 1938 ayant échappé jusque-là à la phonographie), ou Font-Romeu (nouveau clin d'œil à l'endroit des chères Pyrénées Orientales). En revanche, En Seine et 0ise, Le Cœur de Paris (dans la lignée de La Romance de Paris), Simple et tendre, Je marche au bord de l'eau, Où vas-tu chaque nuit ?, Madame la pluie, Chanson pour Noël, Les olivettes ne sollicitent guère le souvenir.
Quant à Si le bon vent et Adieu mes beaux rivages, enregistrés avec le trio d'harmonicas d'Albert Raisner. Charles estimera opportun de les refaire une dizaine d'ans plus tard.
Serait-on en droit de parler de passage à vide ?
Après tout, il y a alors tout un tas de talentueux petits jeunes prénommés Georges, Léo, Jacques, René-Louis, qui bien sûr adorent Charles, mais ne détesteraient pas lui piquer un petit bout de devant de la scène ! Sans doute tout cela est-il exagéré, puisque les "tubes" sont toujours bien là, même si leur nombre paraît moins important que par le passé. Et puis, disons-le, on a eu grand tort de ne pas davantage se souvenir de cette nostalgique Pavane des patronages (...), toute de réminiscences d'enfance écorchée (...) d'images douces de pluie. de becs d'acétylène tristes, aux airs de Folle complainte… (...) Revoici donc les obsessions de jadis et de toujours, et c'est comme une découverte toute neuve.
Le vrai passage à vide, ce sera pour après. (...) Mais en ce temps-là (...) c'est le nouveau souffle qui est au prochain tournant.
Daniel NEVERS
1 - O mar, la merCarioca et son orchestre – Safira
2 - O tropeiro - Charles Trenet
3 - En ce temps-là - Marie Darmont
4 - En ce temps-là - Charles Trenet
5 - Valse des amours passées - Charles Trenet
6 - En seine et oise - Charles Trenet
7 - Pavane des patronages - Charles Trenet
8 - Le coeur de Paris - Charles Trenet
9 - Simple et tendre - Charles Trenet
10 - La jolie sardane - Charles Trenet
11 - Je marche au bord de l'eau - Charles Trenet Charles
12 - Commentaire sur "Printemps à Rio" - Charles Trenet
13 - Printemps à Rio - Charles Trenet
14 - La joie de vivre de Charles Trenet - partie 1
15 - La joie de vivre de Charles Trenet - partie 2
16 - La joie de vivre de Charles Trenet - partie 3
1 - Où vas-tu chaque nuit? - Charles Trenet
2 - Bouquet de joie - Charles Trenet
3 - Font Romeu - Charles Trenet
4 - Madame la pluie - Charles Trenet
5 - Charles trénet imite Suzy Solidor, Damia et Jean Cocteau
6 - Chanson pour Noël - Charles Trenet
7 - Les olivettes - Charles Trenet
8 - Quand un bateau blanc et faux départs - Charles Trenet
9 - En avril à Paris - Charles Trenet
10 – Boum! / Vous êtes jolie / J'ai ta main - Charles Trenet et l'Orchestre de Jack Hélian
11 - En ce temps-là / Printemps à Rio / Biguine à Bango - Charles Trenet et l'Orchestre de Jack Hélian
12 - Bonsoir jolie madame / Mes jeunes années / La folle complainte / La mer - Charles Trenet et l'Orchestre de Jack Hélian
13 - La Romance de Paris/ France Dimanche / L'âme des poètes - Charles Trenet et l'Orchestre de Jack Hélian
14 - N'y pensez pas trop / Il pleut dans ma chambre / Dans les rues de Québec / Le bon Roi Dagobert - Charles Trenet et l'Orchestre de Jack Hélian
15 - La jolie sardane / Dans les pharmacies / Y a d'la joie - Charles Trenet et l'Orchestre de Jack Hélian
16 - Charles Trenet parle de : Y a d'la joie / Maurice Chevalier / Raoul Breton / Mistinguett...
17 - Si le bon vent - Charles Trenet
18 - Adieu mes beaux rivages - Charles Trenet
19 - Annonce début et Le bout du monde - Charles Trenet & Johnny Hess
20 - Quand on est jeune et annonce fin - Charles Trenet & Johnny Hess
21 - La chanson des amoureux - Charles Trenet
22 - Amour, amour - Yolanda
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