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par Dominic Daussaint
Tout petit déjà, Charles Trenet écrit des poésies dans ses cahiers d'écolier. C'est un don inné qui s'éveille, le don du poète, le don de Dieu.
À sept ans, le petit Charles, jusqu'ici très entouré, se retrouve tout seul avec son frère Antoine dans un triste pensionnat : "L'École libre de la Trinité". "Libre", tu parles… Les mornes journées languissantes dans cette grande bâtisse froide et grise inspirent ses premiers vrais poèmes. Dans les soupirs et les sanglots, l'enfant hypersensible découvre cette mélancolie, ce désespoir masqué d'un voile d'humour qui bercera toute l'œuvre de l'homme.
À 12 ans, à Perpignan, le petit garçon émerveillé au regard clair fait une rencontre capitale, celle de son mentor, voire de son Pygmalion. Sans cet homme, qui aura sur l'adolescent une influence capitale, il n'y aurait peut-être pas eu de "Fou chantant", mais rien qu'un petit architecte de province… Albert Bausil, l'"enfant du Canigou", le chantre inspiré du Roussillon, accueille Charles dans son "Coq Catalan", un petit hebdomadaire "littéraire, satirique et sportif". Le jeune poète y fera ses premières armes, des vers qui, déjà, respirent la liberté.
Il s'est assis comme un monarque
Dans l'herbe, les fourmis et les joncs
Beau cheval blanc
Tire ta barque !
Sataniques
Les moustiques
Dansent
Une personne astique
L'anse
D'un chaudron (...)
Charles Trenet - 1928
Mais son jeune talent explosif commence à étouffer en province, En 1929, Bausil pousse Charles à monter à Paris. Il y débarque avec un gros manuscrit "Les Rois Fainéants", un ouvrage "historique et quelque peu loufoque" que Charles propose un peu partout. Il essuie refus sur refus, mais qu'importe ! Il voit du monde, se fait remarquer par le poète Max Jacob et par Cocteau l'enchanteur, avec lesquels il se lie d'amitié. Alors, Charles ambitionne de devenir écrivain.
En 1933, le rêve prend forme : le poème "Jeunesse", que Charles a fait lire à Paul Léautaud, est publié par une revue littéraire de grand renom, le prestigieux "Mercure de France". L'œuvre est dédiée à Henry de Montherlant qui la lit, et encourage Charles en lui écrivant : "Votre poème est certainement d'un beau poète".
Par la suite, Trenet publiera quatre manuscrits inclassables : "Dodo Manières" (1939), "La Bonne Planète" (1949), "Un Noir éblouissant" (1965) et "Pierre, Juliette et l'Automate" (1983). Romans, essais ? Impossible de leur mettre une étiquette. Enfin, dans un genre plus biographique, "Mes jeunes années" (1978), une évocation, écrite à quatre mains avec sa mère, de la jeunesse et des débuts quelques peu houleux de Charles.
Dans des articles ultérieurs, il nous faudra revenir sur tous ces titres… Il faudra également aborder cette candidature manquée de Trenet à l'Académie Française, événement qui fit couler beaucoup d'encre.
Temporairement, laissons Charles conclure lui-même sur son activité d'écrivain : "Je suis en train d'écrire mon œuvre posthume. J'essaie ainsi d'exprimer autre chose, que je porte en moi et que je ne peux exprimer dans mes chansons. Parce que tout de même, les chansons, on les fait pour le public. Tandis que ce que j'écris là, je le fais pour savoir exactement ce que j'ai en moi. Je n'écris pas pour la foule. Tandis que je chante pour la foule". (à Paul Giannoli - Paris-Presse - en 1961)
Lire le poème "Jeunesse"
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