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par Nicolas Paquin (alias Charles Blondeau)
Les fantômes, chez Charles Trenet, tiennent une place d’honneur. Il n’est pas nécessaire d’aller chercher plus loin que dans l’éternelle enfance de Trenet l’origine de cette fascination pour les revenants.
Lui-même, déguisé en fantôme avec Albert Bausil, a pu tester l’influence d’un revenant sur son entourage. Il en fera grandement usage dans son œuvre. Portés au grand écran, dans les chansons et les livres, les fantômes rôdent !
Les premières apparitions ont eu lieu au début de sa carrière. Les morts de Trenet trépassent suite à une mort violente. Outre l’amant de Miss Émily, le suicide est présent dans Je chante jusqu’à Trenetement, écrit avec Aznavour vers 1994. C’est aussi violemment que meurent le chiffonnier et les amants en scaphandriers. Mais plusieurs de ceux-ci, comme dans l’Hôtel Borgne, viennent hanter fermes, hôtels ou châteaux.
Ces fantômes sont parfois terrifiants, parfois sympa. Mais, à chaque apparition, le fantôme ne laisse personne indifférent. À une exception près dit-on, lorsque Marguerite Moréno réplique au fantôme Cosaque de « hanter sans frapper », dans le film La Route enchantée. Puissant, le Fantôme de la Tour Eiffel sera, quant à lui, une redoutable torture pour la police internationale. Bien qu’il s’envole, ce fantôme détonne avec l’aspect gentil et bon enfant des êtres qui errent dans les textes de Trenet.
La mort est donc propice à l’humour qui, sans être tout à fait noir, est certainement d’un bleu très foncé. Le fantôme, dans Mam’zelle Clio, joue sur sa propre « vie » en disant qu’il aime la pauvre mariée et « en meurt » pour, ensuite, à loisir, tirer les poils du mari cocu. Rigolo, le fantôme de Je Chante aussi sera enthousiaste, une fois la mort venue.
Charles Trenet incarne souvent ces heureux fantômes. Dans ses spectacles, il affirmait sans ambages qu’il était le Revenant. Après tout, c’est lui qui chante « Je dors avec toi » à Mam’zelle Clio. C’est lui, le fantôme de Je Chante.
Si son enfance est la source de cette fascination pour les revenants, sa maison de Narbonne possède les spécimens les plus caractéristiques de cet intérêt. Ils sortent des placards et armoires de la maison et, les yeux rieurs, vont disparaître sur le dos du train qu’on voit de la fenêtre de la chambre. Non, il ne sont pas sous le lit du petit Charles, ces fantômes, il sont bel et bien dans les placards ou dans le magasin. C’est le fantôme d’une infirmière ou d’une dame qui joue là-haut.
Enfin, tour à tour joyeuses ou épouvantables, ces ombres poursuivent l’auteur comme les lecteurs dans Pierre, Juliette et l’automate, ce roman fou où des rires d’outre-tombe fusent d’une salle de torture depuis longtemps condamnée.
Bref, voilà, dans une œuvre où les rires deviennent revenants, un beau pied de nez à la mort !
Note du webmaster : Ce bel hommage de Nicolas, nous donne l'occasion de redécouvrir les textes des chansons qu'il évoque :
Miss Emily - 1938
Je Chante - 1937
L'hôtel borgne - 1933
Le fantôme de la Tour Eiffel - 1982
Mam’zelle Clio - 1939
Le Revenant - 1970
La Dame au Piano - 1975
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