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Charles a 15 ans. Il vient de présenter sa première exposition. Un journaliste du "Coq Catalan" était présent au vernissage. Dans le numéro du 3 mars 1928, il donne son avis sur les toiles du jeune Charles Trenet. Un article hautement prémonitoire !
Une toile de Charles Trenet dans la vitrine de Letrain, sous la Barre... Des maisons de pêcheurs, heurtées de soleil, contre une colline vigoureusement illuminée, au bord de la mer où tremblent des reflets. Un Collioure vu par un jeune.
L'acidité des pommes vertes, des couleurs fraîches et chantantes, une fougue un peu irréfléchie et ce délicieux arbitraire qui augmente le charme d'une toile éminemment précoce.
Chaque tableau de Charles Trenet ressemble à un manifeste. Il y a là une explosion d'indépendance, une affirmation de tempérament révolutionnaire. Grâces soient rendues à ses sincérités. Un gamin de quinze ans ose peindre et avoir des idées personnelles à l'âge où l'on s'en tient ordinairement aux pâles copies et aux admirations toutes faites. Tant pis pour les myopes, auteurs d'aquarelles à l'usage des pensionnats.
Parmi cette génération d'après-guerre, si pauvre en natures artistes, Charles Trenet est un poète aux yeux neufs.
Après cela, allez discuter de la justesse d'un ton, sur telle ou telle imperfection de facture, sur une audace de conception plus ou moins agréable ! Charles Trenet suivra son chemin. Il nous présente actuellement mieux que des essais appliqués : de belles promesses intempérantes. "J'accepte la Révolution avec les massacres de septembre", disait Clémenceau. J'accepte le jeune Charles avec ses outrances, dis-je. Et je crois que les éloges qu'il recueille à ses débuts ne lui nuiront point. Pas plus que les appréciations malveillantes des arbitres de sous-préfecture.
Il appartient aux meilleurs, en effet, d'être particulièrement sévères pour leurs productions et de trouver, eux-mêmes, leur vérité.
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