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par Dominic Daussaint
"Si j'ai fait du cinéma pendant la guerre, c'est parce que les studios étaient chauffés !"Pirouette ? Boutade ? Pourtant, Charles Trenet et le cinéma, c'est toute une histoire !
Berlin 1929. Charles passe six mois chez sa mère et son nouveau mari, le cinéaste Beno Vigny. C'est un metteur en scène et un scénariste de talent. On lui doit, notamment, le script de "Morocco" de Josef Von Sternberg où Gary Cooper campe un légionnaire "à l'américaine". Premières incursions dans les studios, premières rencontres qui marquent ce jeune garçon de 15 ans, curieux de tout et ouvert à tout. Berlin, c'est Fritz Lang, bien sûr, mais aussi une très jeune actrice berlinoise que le monde va bientôt connaître sous le nom de Marlène Dietrich. Le Berlin des "Années folles", c'est aussi un petit peintre ambitieux, à la moustache chaplinesque qui deviendra tristement célèbre. Charles aurait aussi rencontré ce sombre personnage. Légende ou réalité ? Toute façon, c'est une autre histoire !
Octobre 1930. À Paris, Charles veut gagner sa vie, prouver à son père qu'il n'a pas besoin des 700 F qu'il lui alloue mensuellement. Le voilà donc accessoiriste aux studios de Joinville. Son père le croit aux Beaux-Arts. Lui, il rêve de devenir metteur en scène, de diriger Marlène. Distrait, maladroit, Charles, souvent menacé de renvoi, se montre si disponible et si gentil qu'il passe bientôt assistant. Il œuvre avec Jacques de Baroncelli sur une adaptation de Zola. Avec l'arrivée du "cinéma parlant", on chante beaucoup dans le cinéma des années '30 Charles dépanne et livre ses premières chansons. Il n'en reste aucune trace. Heureusement sans doute... d'ailleurs, Charles les a toutes oubliées. Beno Vigny, son beau-père, l'engage comme assistant pour "Bariole". Charles s'y voit aussi confier l'écriture de la musique et des chansons. Trois années dans les studios, à l'aube de sa carrière, sûr que ça marque le jeune homme ! Puis, il y a la rencontre avec Johnny Hess, une carrière qui bifurque, s'envole, explose, s'épanouit dans le swing et la chanson.
En 1938, Charles, c'est "LA" vedette. Et le cinéma, qui produit bon nombre de films où la chanson joue un rôle clef, s'intéresse tout naturellement à lui. Mais, pour Trenet, artiste polyvalent, pas question de faire comme ses prédécesseurs, Maurice Chevalier ou Tino Rossi ! Inutile de songer limiter sa participation à un rôle-titre dans un film construit sur mesure ! Non content de "faire l'acteur", Charles écrit aussi les chansons, les musiques, et même les scénarii de ses deux premiers films "La Route enchantée" et "Je chante". Deux succès éclatants... mais, plus que le sujet de ces deux films, c'est Trenet que le public vient voir. Car Trenet est devenu un véritable phénomène de société !
La guerre éclate. Adieu les tournées, les trains glacés. Mieux vaut se réfugier sous la chaleur des projecteurs dans les studios de cinéma. Pourtant, l'époque est difficile. Il faut louvoyer avec la censure allemande. En 1942, avec le réalisateur Jean Boyer, Charles tourne "Romance de Paris" où il interprète la chanson du même nom. Une chanson belle, pleine d'espoir mais qui déçoit les inconditionnels de Trenet : pourquoi a-t-il abandonné ses mélodies modernes et swing pour se laisser porter par un style musette populaire. Les reproches tournent court car, même lorsqu'il verse dans la "chanson de rue", Trenet reste bien loin des accordéoneux.
L'année suivante, toujours sous la direction de Jean Boyer, ce sera "Frédérica" avec Rellys et Elvire Popesco. Trenet y incarne un troubadour fantasque et gai. Un personnage rêveur et idéaliste qui lui colle à la peau, lui ressemble.
Changement de registre en 1943, lorsque le film "Adieu Léonard" sort sur les écrans. Il marque la collaboration entre Charles et les frères Prévert : Pierre à la mise en scène et Jacques au scénario et aux dialogues. Incontestablement, ce film, drôle, pétillant et surréaliste restera la meilleure prestation cinématographique de Charles. Une aventure qui s'arrêtera là ! À part deux rôles très courts dans deux films à sketches, Charles déserte définitivement les studios et le cinéma.
Aux États-Unis, Charles refuse ponts d'or et contrats mirifiques : pas question de prostituer son talent dans des œuvres qui ne lui ressembleraient pas. D'autres, plus mauvaises langues, prétendent que son caractère capricieux ne s'accordait guère avec les magnats américains des studios hollywoodiens.
(*)Le titre de cet article est extrait de la chanson "Le serpent python"
Une autre chanson de Trenet, assez méconnue, est une parodie du cinéma : "Gangsters et documentaires"
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