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par Claude LE SAINT, alias Fidel
Adolescent à cette époque et bien évidement sans ressource, j'avais trouvé, par hasard, un moyen de m'offrir, à très bon compte, un bonheur tant attendu. Certes, je n'étais pas installé de façon très confortable mais tout de même j'étais parvenu à réaliser mon plus beau rêve. En effet, il m'avait fallu attendre mes seize ans pour finalement voir en vrai mon idole, celui que ma famille portait aux nues et dont j'entendais parler depuis mes premiers biberons : Charles Trenet.
Dans une petite rue à côté de l'Olympia (rue de Caumartin, si ma mémoire est bonne), au fond du hall d'entrée d'un immeuble, j'avais découvert des portes en bois aux oculus peints en bleu-nuit. Elles servaient d'issues de secours pour la salle de spectacle. Les joints de ces portes n'étaient pas parfaitement étanches, ce qui m'avait permis de voir Charles sur scène, accompagné de ses musiciens. Le champ de vision n'était pas extraordinaire (son jardin, lui, l'était bien plus !), par contre sa voix arrivait à se faufiler, à travers les fuites, jusqu'à moi, si bien que j'avais l'impression qu'il chantait pour moi tout seul. Quelles émotions ! A l'instar de sa chanson Où sont-ils donc ?, c'est moi qui faisait le singe, au point de n'en plus pouvoir parler, noyé par des sanglots longs mais de printemps, ceux-ci !
Après plusieurs rappels, sagement honorés, Charles se retira. Le grand rideau rouge resta immobile. Il était temps de se précipiter, sans attendre la sortie du public (plus officiel celui-la) pour bondir, une ou deux portes plus loin dans la rue, attendre mon idole à la sortie des artistes et même me faufiler devant sa loge. Il était là, derrière cette porte, encore une porte mais plus qu'une, la dernière ! Il était là, mais moi qu?allais-je lui dire s'il sortait ? Quel prétexte trouverais-je ?
J'étais paralysé par la peur, lorsque soudain, Charles sortit, et à l'oiseau le cou, il tordit ? Mais non, il me vit et, tout simplement me dit:
"Bonsoir jeune homme"
- Bonsoir Monsieur Trenet, répondis-je, tout en fouillant dans la poche de ma veste de laquelle je sortis quelques photos que j'avais prises de lui, lors d'une émission de télévision.
- Mais comment avez-vous réussi à prendre ces photos,me demanda-t-il ?
Je lui expliquai ma technique. En fait, j'avais savamment réalisé ces clichés avec un 6x6 de l?époque fixé sur un pied? à 1 mètre du petit écran du téléviseur familial. C'était en noir et blanc, bien sûr, mais encore en 819 lignes, ce qui améliorait la définition de l'image.
Charles n'en revenait pas et regarda les photos une à une:
"Oh oui, je me souviens c?était aux " Etoiles de la chanson",s'exclama-t-il. Mais celle-ci est bizarre, je ne comprend pas ? Oui je vois, elle me représente sous mon profil de gauche et c'est la première fois que je me vois sous ce profil et bien, pourquoi pas ? Bonne initiative !"
Pendant qu'il dédicaçait mes photos. Je m'enhardis à lui demander s'il se souvenait d'une scène à laquelle avait assisté mon père : à ses débuts à l'ABC, un soir, tard après sa représentation, il chantait encore dans la rue pour la plus grande joie de ses fans. Dans l'ambiance, j'imagine le délire, Charles ayant raté le dernier bus, dû se faire ramener chez lui... en voiture à bras.
Charles s'en souvenait et rigola.
Finalement, les mots venaient à me manquer et comme le public de la salle arrivait peu à peu, je le saluais et il me dit, gentiment:
- Au revoir, mon petit photographe.
Sans me connaître et malgré ma paralysie verbale, Charles m'avait mis instantanément à l'aise. Il ne s'agissait plus de peur, mais de confiance. Lui savait, c'est donc lui qui me posait les bonnes questions. Quelle leçon d'intelligence il m'avait dispensée ce soir là ! Merci Monsieur Trenet.
Très touché par ses gentilles paroles, à la demande unanime, entonna alors La romance de Paris, Boum, Je chante, et bien d'autres chansons encore. Il était bien avec son public et ne savait que faire pour le combler.
Naturel de professionnalisme, on sentait qu'il n'y avait aucune tricherie chez lui. Nous étions en communion avec lui. Ses yeux brillaient et sa joie, c'était nous. Ce soir-là, j'ai bien vu dans ses billes azurs qu'aucun mensonge ne pouvait en sortir.
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OLYMPIA 71 | Connexion/Créer un compte | 4 Commentaires |
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