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par Bruno Jamin
Entre deux nouveautés insipides et médiocres qu'on nous impose sur les ondes, comme ces lofteurs qui chantent (?!) faux avec une superbe assurance et ces « stars-academyciens » aussi insipides que pédants qui nous polluent les oreilles, l'Entre-Deux que nous offre Patrick Bruel nous vient comme un vent léger qui sent bon le muguet. C'est frais comme un petit vin blanc qu'on boit sous les tonnelles. Bruel n'est pas, et de loin, mon chanteur préféré. Je lui en voudrai longtemps encore de m'avoir cassé les oreilles quand lui se cassait la voix...
Mais voici qu'il ose sortir un double album plein de ces vieilles chansons oubliées depuis longtemps. Car voici bien la grande qualité de ce disque : remettre dans l'actualité des chansons qui font partie de notre patrimoine. Car ce qu'ont vécu nos grands parents et arrière-grands parents fait bien partie de notre histoire, à nous.
Si en 2050, grâce à ce double CD, quelqu'un fredonnera Mon amant de Saint-Jean en se souvenant de ses jeunes années, grâce devra en être rendue à Patrick Bruel.
Dommage que les producteurs aient voulu « faire moderne » et « original » dans certaines orchestrations. Car entre deux vieilles chansons d'autrefois, joliment remises au goût du jour, magnifiquement arrangées et interprétées, on peut trouver - hélas - quelques couacs. Le pire étant certainement Vous qui passez sans me voir .
Parenthèse : je fais souvent le rapprochement entre cette chanson et celle de Charles Aznavour : Comme ils disent. La ressemblance n'est pas évidente, mais pourtant : quand l'homosexuel d'Aznavour parle de ce jeune homme, beau comme un Dieu qui sans rien faire à mis le feu à ma mémoire on peut penser que le jeune Trenet rêvait d'un beau garçon quand il écrivait vous qui passez sans me voir, donnez moi un peu d'espoir ce soir . Vision très personnelle mais basée sur des choses vécues... en ce qui me concerne. Fermons la parenthèse.
Vous qui passez sans me voir est une chanson nostalgique de l'amour impossible, mais pourquoi en faire une marche funèbre ? Gaiement mélancolique chez Trenet, Bruel en fait une chanson tellement sinistre qu'elle pousserait au suicide quiconque qui l'écouterait plus de deux fois. Trenet avait ce talent, unique à mon avis, de chanter en souriant les choses les plus tristes. Bruel ici est seulement mortellement lugubre.
Couac n°2 : Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux ? .
N'est-il donc pas possible de faire un disque de duos en évitant Johnny Hallyday ? Monsieur Jean-Philippe Smet a certains talents, je ne le nie pas - même si je les goûtent peu - mais ici il tombe comme un cheveu dans la soupe.
A quand un duo Pavarotti-Hallyday ? (Je n'aurais pas du écrire cela : ils sont capables de le faire !)
Quand Johnny chante : Et qu'elles s'en vont au bal musette on ne peut s'empêcher de se demander s'il sait ce que c'est. Il faudra lui expliquer que c'était un endroit on l'on faisait autrefois la fête, sans whisky ni poudre aux yeux (ni dans les narines, du reste).
Parlons maintenant des réussites puisqu'il y en a : Mon amant de Saint Jean, Que reste-t-il de nos amours ? , Le temps des cerises, A Paris dans chaque faubourg, La complainte de la butte, La romance de Paris sont de ceux-là. Et il y en d'autres. Mais c'est pour moi Ménilmontant qui remporte la palme. Certainement grâce à l'immense talent de Charles Aznavour qui interprète Trenet avec, on le sent, non seulement du respect mais aussi de l'admiration.
On ne peut s'empêcher d'espérer découvrir un jour, dans les bacs des disquaires, une compilation des chansons méconnues de Charles Trenet interprétées par Charles Aznavour. Quel bonheur ce serait !
Alors, pour ou contre « Entre-Deux » ? Je suis pour, définitivement, car c'est dans son ensemble non seulement un disque utile mais bien un vrai plaisir à s'offrir.
Note du webmaster :
Les curieux peuvent visiter le site officiel de Patriiiick Bruel. Il est possible d'y écouter des extraits de ce double CD... et de lire que la paternité des Amants de la Saint Jean y est, faussement, attribuée à... Charles Trenet.
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