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"Ze çante ce que z'invente", c'est ce que répond le petit Charles à Mme Meinrath, l'institutrice qui, dans la cour de récréation, l'entend fredonner des mélodies inconnues. Il a trois ans et fréquente la petite école maternelle qui se trouve à deux pas de la maison, nichée au bord du canal de la Robine. Antoine, lui, a 5 ans et Charles n'aura de cesse que d'accompagner son grand frère à l'école.
"Mon frère allait en classe. Il avait un panier sur lequel il y avait des cerises brodées. Et puis, il emmenait une de ces petites bouteilles en aluminium où l'on mettait de l'eau et du vin ; ça me semblait le comble du luxe. Je l'enviais. Un jour, je dis à ma mère : "J'aimerais bien avoir un petit panier comme ça - Tu auras un panier si tu vas en classe. Je suis allé en classe et j'ai eu le petit panier. J'avais deux ans et demi, trois ans. La maîtresse d'école, Madame Meinrath (
) m'a mis dans un coin de la classe et m'a simplement dit : "Écoute". J'ai écouté. Et puis, à la maison, on m'a surpris un jour en train de lire le journal. On croyait que c'était une affectation. Mais pas du tout, je savais lire. J'avais appris comme ça, tout seul..."
Cette histoire paraît presque trop belle, comme si elle avait été composée pour s'inscrire dans l'éternité. Aujourd'hui, elle fait partie de la légende
À la maison près du chemin de fer, les nuits du petit Charles sont bercées par le passage des trains : "Ces trains rythment mes rêves, m'emportent et me ramènent autant de fois que je le désire". Là, les deux bambins vivent dans un univers de femmes. Autour de Marie-Louise, la maman, il y a les deux grands-mères et cette chère Tante Émilie qui s'est prise d'affection pour dernier-né. Tante Émilie a échoué dans la vieille maison après une succession de deuils et fait désormais partie des meubles : "Quand je pense à elle, je l'imagine en personnage digne de figurer dans un roman de Mauriac. Physiquement, elle a été vieille extrêmement jeune et, avec les années, cela s'est à peine arrangé". C'est cette chère "Tantoune" que Charles évoquera par la suite dans plusieurs de ses chansons... avec un mélange de tendresse et d'ironie. Cette très catholique vieille fille est devenue la référence morale de la famille et prodigue, si l'on veut bien l'entendre, ses leçons de morale à chacun : "Rien du passé proche ou lointain n'est mort avec elle. Elle est toujours près de moi. Elle parle à coups de marteau sur les tonneaux, à coups de grêlon sur les vitres, à coups de doux heurtoir à la porte de mon cur reconnaissant".
Il y a aussi le grand-père Auguste, une vrai figure locale. Au lendemain de la guerre, ce marchand de bois s'est opportunément reconverti en tonnelier. Et la "Tonnellerie Nouvelle" en profite pour remplir ses tonneaux du vin produit sur les 4 hectares proches et l'envoyer aux soldats toujours en guerre. L'argent récolté fait vivre toute la tribu.
Et, à Narbonne, loin des tumultes guerriers, la vie s'écoule paisiblement dans le cocon familial.
Loin d'une guerre qui les prive d'un papa, dans l'insouciance bourgeoise de cette vie provinciale, pour la petite famille, l'été est synonyme de vacances à La Nouvelle. Alors, au grand complet, ils se rendent tous dans ce petit port tranquille près de Narbonne. Sur cette plage de sable fin où les vents, parfois très violents, déchaînent une mer qui, alors, devient sauvage, un jeune enfant trop rêveur reste fasciné devant ces "reflets d'argents". Personne n'imagine qu'il est, là, en train de nourrir toute son inspiration qui constituera, plus tard, le véritable tremplin de sa carrière. Mais ça, c'est une autre histoire...
A suivre ...
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