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par Lucien J. Heldé
Notre membre Lucien J. Heldé nous transmet le texte suivant. Avec son humour habituel, il nous offre une caricature grinçante du monde de la formation en entreprise... et nous fait redécouvrir une chanson très méconnue de Charles Trenet. Un texte à savourer avec le sourire. Une chanson à écouter ou ré-écouter d'urgence !
Pallier les absences d'un top-manager, soigner la communication en interne, veiller à utiliser au mieux le champ d'expertise de chacun, voilà des défis auxquels sont confrontées bien des entreprises.
Dès les années '70, Charles Trenet, avec une de ses œuvres qu'on pourrait qualifier de prophétique, analysait parfaitement l'implacable désagrégation d'une société victime de la tragique rupture de chaîne de commandement. Sur un ton en apparence badin, il décrivait comment, faute d'avoir formé à temps des managers responsables et de s'être doté d'outils performants de communication en interne. une vieille entreprise à la structure trop rigide et trop hiérarchisée périclitait subitement suite à une mission externe de son top-manager.
Cette chanson s'intitule "Ma soeur, n'oubliez pas !"
La Mère supérieure du couvent des Clémentines est appelée inopinément en mission auprès de son Big-Boss ("elle partait dare-dare au chevet de Monseigneur"). Ce départ brusqué la prend totalement au dépourvu. Elle se voit donc contrainte de transmettre succinctement toute l'info vitale de sa petite entreprise à la première sœur venue, celle qui l'a accompagné sur le quai de la gare : "Ma sœur n'oubliez pas qu'il faudra repriser les draps, qu'il faudra mettre de la mort-aux-rats dans les lieux d'aisance, qu'il faudra manger du poisson béni le vendredi, qu'il faudra donner de l'ipéca à sœur Augusta, qu'il faudra mettre des boules de naphtaline dans les vêtements". Enfin elle conclut sur une recommandation de bon sens : "Faites de petits repas ! Songez que qui dort dîne, ma sœur n'oubliez pas !".
Remarquez au passage l'esprit de synthèse de cette femme exceptionnelle. Elle va vraiment à l'essentiel. En quelques ordres clairs, des consignes précises sont données pour tous les secteurs de son entreprise : poursuite de l'activité industrielle, maintenance des locaux, catering, service de santé, entretien des vêtements de travail, et même un petit conseil diététique pour favoriser la productivité de ses collaboratrices. Tout est dit et bien dit.
Malheureusement, cette Supérieure, malgré toute son expertise organisationnelle, ne s'est pas préoccupée de la formation continue de ses cadres. Le manager chargé de l'exécution de ces tâches simples se défile dès qu'elle a tourné les talons. "Je le regrette, mais je ne puis rester là", dit la sœur remplaçante… et elle transmet l'info à une autre de ses collègues qui, dépassée, renonce elle aussi. Et ainsi de suite : chacune trouve "mille raisons" pour se décharger du management sur d'autres cadres… et l'entreprise sombre, implacablement.
Quand la Mère supérieure revient de mission "tout n'est plus que ruines et buissons", les commodités sont infestées de rongeurs, les draps n'ont pas été reprisés, la naphtaline n'a pas été placée dans les placards, le catering a servi du poulet rôti durant les jours maigres, et l'on a donné du chocolat à sœur Augusta !
La catastrophe !…
Avec le souci évident d'éviter de donner dans le ton moralisateur, Trenet conclut "en un mot" en rappelant que, "l'absence est le pire des maux !". Pourtant son message demeure parfaitement clair : certes, l'absence est le pire des maux… sauf si l'on a veillé soigneusement à la formation des cadres de son entreprise et si l'on s'est doté d'outils de communications modernes et performants.
Top managers, réécoutez le "Fou chantant"… et souvenez-vous toujours du chocolat cauchemardesque de sœur Augusta !
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