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LES GRANDS MOMENTS - 14 : Pour ses 80 berges, Trenet prend la Bastille
le 18 Mai 2015 - 12:04
Charles et la chanson LE 19 MAI 1993>

Par Elisabeth Duncker



Quatre-vingts printemps ! Et une pêche d’enfer ! Certes, il devait avoir un élixir de jouvence et être fier d’avoir atteint cet âge-là en si bon état. N’empêche que la vieillesse lui pesait aussi quelquefois, même si souvent il en plaisantait, comme on plaisanterait d’une infirmité pour s’en excuser ou pour se donner du courage.

Ainsi, en 1974, il déclara au micro de RTL: “J’ai soixante-et-un ans, la majorité absolue.” Et en 1978, en ayant alors soixante-cinq: “En photo je suis maintenant mieux de dos que de face...”

Lui qui à trente ans se trouvait déjà vieux, publia à cinquante-deux ans ces émouvants couplets:


Vous qui me quittez

Comme à la fin d’un bel été...

Vous qui savez bien

Que désormais plus aucun lien

Aucun aveu, serment, folle promesse

Ne rendront mon cœur triste ou joyeux

C’est à vous, à vous jeunesse

Que je dis adieu...















Et dans un RTL Non-Stop de Philippe Bouvard, à la question de celui-ci: “Envisagez-vous de chanter encore à quatre-vingts ans ?”, il eut cette réponse catégorique: “Non, pas du tout. Je ne me vois pas à quatre-vingts ans chanter sur une scène. C’est parce qu’à cet âge-là je ne pense pas être en mesure de chanter les chansons comme j’aime les chanter. Il faut avoir du souffle.”



Cependant, en mai 1990, il semblait avoir retourné sa veste en proclamant : “Pour mes quatre-vingts ans, si je me sens capable d’être encore digne de l’attention des gens, j’aimerais bien chanter à Bercy.”



Pour ses quatre-vingts berges aussi, un Crozès Hermitage fut spécialement mis en bouteille et, en plus, l’année 1993 serait fertile en livres lui consacrés: «La vie qui chante» par Fabienne Pavia (Solar), «Trenet par Trenet» signé Pierre Saka (Edition No.1) et en bande dessinée «Bulles enchantées», des chansons illustrées avec beaucoup d’humour et d’esprit par Filipandré (Editions D.S.), pour lequel Charles écrivit cette merveilleuse postface:



Cher Filipandré,

Je suis heureux de vous dire que j’aime beaucoup vos illustrations qui traduisent dans le bon sens ma façon de voir les êtres et les choses. En un temps où la caricature est en partie devenue féroce jusqu’à l’horrible, dans le mauvais goût ostentatoire et la nullité poétique, vos personnages sont le reflet du bonheur retrouvé, non par hasard, mais rencontré sur le chemin des cœurs purs, amis des rêves, qui nous font oublier les cauchemars prétentieux qui se targuent et se tarent d’une certaine mode apocalyptique... Merci !








Le 18 mai il faisait la une de la presse.



"Le Parisien" : LES 80 ANS DU FOU CHANTANT



Soixante et onze pour cent des Français aiment les chansons de Charles Trenet ; 68% pensent qu’elles expriment la "douce France". C’est le résultat d’un sondage C.S.A. effectué à l’occasion de son quatre-vingtième anniversaire qu’il fête aujourd’hui.



Il reste l’un des rares chanteurs octogénaires qui continuent de monter sur scène alertement. Il célébrera demain son anniversaire tambour battant à l’Opéra Bastille lors d’une soirée exceptionnelle.






"France-Soir": TRENET Y’A ENCORE D’LA JOIE



LE FOU CHANTANT FÊTE DEMAIN SES 80 ANS À L’OPÉRA BASTILLE.



Quatre-vingts ans pétants et l’intrépidité d’un pistolero de western spaghetti ! Qui d’autre que ce garnement de Trenet, le plus grand fou chantant que le siècle ait connu, pouvait s’offrir en gâteau d’anniversaire à l’Opéra Bastille toute la crème du monde des spectacles et tous ses fans du monde entier, toutes chapelles confondues.








"Le Figaro" : QUATRE FOIS VINGT ANS AUJOURD’HUI, comme on disait déjà à ses soixante ans : “trois fois vingt ans” et “deux fois vingt ans” lorsqu’il en avait quarante...





"La Voix du Nord" : 80 ANS !



Une statue au musée Grévin, une soirée à l’Opéra Bastille demain, au cours de laquelle plusieurs grands noms du spectacle lui rendront hommage …





"Figaroscope" Semaine du 19 au 25 mai :

CHARLES TRENET, CHEVEUX AU VENT




Pierre Grenard :



Près de soixante ans après ses débuts à l’ABC, une salle des Grands Boulevards, Charles Trenet se retrouve à l’Opéra Bastille pour fêter ses quatre-vingts ans. A l’époque, Trenet n’avait que six chansons à son répertoire, mais elles allaient vite démoder les sombres rengaines de marins et de filles de joie fort en vogue à l’époque, et faire entrer la chanson dans la modernité. C’étaient :
"Je chante", "J’ai ta main", "La Polka du roi", "Pigeon vole", "Fleur bleue", "La Biguine à Bango". Excusez du peu …



Puis des centaines d’autres s’ajoutèrent au répertoire, dont des dizaines de purs joyaux de poésie qui allaient séduire des millions de fans, même avec des chansons tristes ! Car un des talents de Trenet, c’est bien de nous évoquer les amours mortes ou l’inexorable fuite du temps avec un rayon de soleil dans la voix. Une alchimie subtile qui transforme les rêves mouvants de notre passé en nostalgie joyeuse. Sans oublier les mille facéties et l’humour du personnage qu’on retrouve intacts sur son dernier disque,
"Mon cœur s’envole"(WEA).



Sur la scène de l’Opéra Bastille, la soirée se déroulera en deux temps : tout d’abord un hommage rendu par une centaine d’artistes du monde entier.

L’artiste entamera ensuite un récital où il interprétera une dizaine de ses chansons en compagnie de l’orchestre et des chœurs de l’Opéra de Paris, placées sous la baguette de son chef, Myum Whum Chung .
(N.D.L.A. : Ce fut simplement Christian Rémy qui dirigea l’orchestre et les chœurs)



Sachez enfin que la soirée affiche complet et que tous ceux qui ne pourront le voir à la Bastille pourront se rattraper à l’occasion d’une importante série de concerts prévus en novembre prochain au Palais des Congrès.





Dans "Nice Matin" : Juan-les-Pins

TRENET PRÊT À PRENDRE L’OPÉRA-BASTILLE…




René Cenni :

"Fidèle, fidèle, je suis resté fidèle", chante le Fou chantant. Trenet de maintenant et de tout le temps. Il le prouve : il est fidèle depuis exactement 53 ans à Antibes et Juan-les-Pins. Fidèle aussi, depuis qu’il la connaît, à la cuisine de Jacques Maximin : gourmet autant qu’il est "gourmand" de mots, de poésie, d’idées jolies. Il l’a retrouvé avec joie hier, quasiment "chez lui" : à Juan-les-Pins où le chef veille aux destinées gastronomiques de l’ "Eden".



Il est venu y déjeuner en voisin. A pied depuis "La Carrière", la villa ainsi dénommée parce que c’est grâce à la sienne, de carrière, qu’il est parvenu à se l’offrir.

"En fait, dit Charles, je l’ai achetée en 1939, mais j’avais découvert la station et sa "pinède" dès 32, au cours d’une de mes premières tournées.

J’étais en compagnie de Johnny Hess, avec qui je formais un duo. L’endroit m’a plu."



On a beau savoir que l’homme aux 1.000 chansons n’est pas né d’hier, ce rappel fortuit des dates ne laisse pas de donner comme un léger vertige : le moins qu’on puisse dire, c’est que dans la mémoire collective des générations qui se succèdent pour l’adopter, le prodigieux répertoire ne fait pas son âge.



L’auteur non plus d’ailleurs, qui s’enorgueillit de ses tout prochains 80 ans comme d’une bonne farce. Pour les fêter avec éclat le 27
(sic) mai prochain, au vu et au su de tout le monde, il n’ira pas par quatre chemins : puisqu’on dit partout que la chanson française est en danger et puisque la chanson française est indubitablement sa patrie, pour sa défense il va prendre carrément l’Opéra Bastille d’assaut : premier artiste de variétés à s’y produire, pour un gala d’anniversaire unique.



Rien qu’avec une sélection impitoyable de ses meilleurs titres, il pourrait facilement tenir la semaine.



Trenet ? Un galopin du Top 50, avec soixante ans de génie derrière...








"Le Quotidien de Paris" No. 4200 du 18 mai 1993 :

BON ANNIVERSAIRE, JEUNE HOMME !




Charles Trenet, quatre fois vingt ans aujourd’hui. Et que croyez-vous que fasse le Fou chantant, le jour de ses 80 ans ? Il chante, bien sûr, il travaille, si tant est que ce mot ait un sens pour l’éternel usager de la nationale 7, il répète. Car demain, pas question de mollir, de se laisser bercer par la mer, éternellement recommencée, il sera devant l’orchestre de l’Opéra de Paris-Bastille. Et le long des golfes clairs de Bastille, défileront une foultitude d’artistes, hommage en main, en bouche, au cœur.



Trenet, ce jeunot par rapport à Stéphane Grappelli, passera l’automne prochain au Palais des Congrès, avant de partir sur les routes d’Europe. Trenet, on se le partage. Laissons, comme il est de bon ton, le dernier mot à Cocteau, qui disait du modeste auteur de quelque cinq cents titres déposés à la SACEM : "Il chante sur l’aile des ondes. Vite la chanson cesse de lui appartenir et, comme la mer, devient marseillaise et bien public."





TRENET : 80 ANS QUE ÇA DURE !

Christiane Rancé dans ‘’Le Figaro Magazine’’ No. 15158 du 15 mai 1993



Charles Trenet fera swinguer ses quatre-vingts printemps à la Bastille. Oui, l’Opéra. Oui, le 19 mai. Un comble! Il fera salle pleine, cet extraterrestre. Nous l’avons rencontré.



Surtout, ne le perds pas ! Hélène garde le pied à fond sur l’accélérateur de la R5 et moi, le regard rivé sur le coffre bleu marine de la Bentley qui avale gaillardement la côte. Toutes les deux, on a l’œil quadrillé de rouge. Le teint gris. Et la tension inversement proportionnelle à l’aiguille de vitesse qui descend, descend. Vingt-quatre heures que ça dure, ce rythme effréné. Et lui : quatre-vingts ans.



Quatre-vingts ans ! Ça se respecte, ça se manie avec des pincettes, ça se ménage. Quatre-vingts ans, d’habitude, ça marche avec des béquilles ou dans des charentaises. Mais pas les siens. Depuis que nous sommes entrées chez Charles Trenet, la veille au matin, le geste ouaté de respect face au talentueux état civil du personnage, on a l’impression d’être propulsées dans un accélérateur de particules. Gilbert Rozon, son producteur canadien, nous avait pourtant prévenues :
"Cet homme est un martien. Même sa formule sanguine est anormale." On aurait dû le croire et prendre au sérieux l’air harassé du Québécois : "Je ne sais pas s’il vous recevra. Hier, il a annulé toutes ses interviews, et s’il vous accorde vingt minutes, estimez-vous heureuses, et soyez ponctuelles et ne fumez pas. Et ne lui demandez surtout pas comment il compose ses chansons…"





D’une maison à l’autre…



Dix heures ! Nous sonnons à l’appartement du Canet où nous avons rendez-vous. L’immeuble, une grosse vague de béton qui donne sur la mer, n’est pas encore terminé. Georges, le secrétaire, nous introduit. Charles Trenet s’alanguit dans une chaise longue sur le balcon, au soleil. L’air faussement nonchalant. C’est une ruse et – ô erreur – nous ne nous méfions pas. Parce qu’en une fraction de seconde, et en musique, il démarre !



"J’aime le son du cor", entonne la voix de Charles, tandis qu’il lance à Hélène : "Allez, mademoiselle, prenez vos photos."



Et le voilà qui arpente le balcon à toute allure. Chausse des lunettes de soleil. Traverse le salon au pas de course, poursuivi par la photographe. Il quitte la pièce en blazer, revient par une autre porte en Sherlock Holmes.



- Notez ! me dit-il au passage, tandis qu’il fuse en brandissant une loupe, - question : vous aurez bientôt quatre-vingts ans. Réponse : oui, je suis né en 1913 et le chiffre 13 m’a toujours porté bonheur. Question : vous donnez un récital à la Bastille ? Réponse : oui, car je vais fêter mes quatre-vingts ans ; je suis né le 18 mai. Et je ne sais pas si j’aurai la voix fraîche encore longtemps.



Il hume une fleur en plastique, tire la langue, fait des claquettes, des grimaces, revient, repart, écarquille les yeux, dresse l’index. Il nous compose une scène à la seconde, et nous, nous nous décomposons. C’est un désastre !



On ne s’arrêtera plus. Et nous ne cessons plus de courir. Dans son appartement. Sur la plage. Autour d’un manège de chevaux de bois. De 7 heures, le lendemain matin au soir. Du Canet à Narbonne, sa maison natale qu’il a décidé de nous faire visiter.



- Je vous attendrai à la porte du garage…

Au volant de sa superbe auto. Qui nous sème sur la route de Narbonne.



- Je vous avertis, nous a dit Georges, dans une heure, il aura peut-être décidé de partir pour Aix, ou pour ailleurs.



- Et mes photos ? dit Hélène.



- Quand j’étais petit, rétorque Charles, ma mère écrivait à mon père : « nous avons pris de belles photos, mais Charles a encore bougé ».



C’est Helzapoppin…



Un feu rouge nous bloque – on le rattrape à temps. On y est : 13 avenue Charles Trenet.



- Je suis né ici. Regardez cette tapisserie : je n’ai rien inventé. Ces toiles ? Je les ai peintes lorsque j’avais dix-sept ans. (Ce sont d’exquis paysages). Après la Bastille, je me remettrai sans doute à la peinture. J’adore les impressionnistes. Ecrire mes mémoires ? Non, je ne veux pas me livrer. Et puis (il tapote sa bedaine) j’ai deux livres en trop. Et d’autres les ont écrits pour moi. Et puis ça m’est égal qu’on dise n’importe quoi de moi. Même du bien…



Il ouvre des portes, nous présente les pièces où s’entassent des meubles dans un bric-à-brac de styles invraisemblable.



- "Swing troubadour" ? Vous connaissez cette vieille chanson ? Il s’installe devant le clavier et commence un frénétique pot-pourri. C’est un serpent python, Jardin du mois de mai...



L’œil d’Hélène s’allume de convoitise. Vite, elle installe ses éclairages, ouvre le parapluie.



- Le jazz c’est la forme la plus moderne de la musique. Vous pouvez enfermer toutes les variations musicales sur une portée. Ecoutez. Ça swingue. Non, je n’ai rien inventé. Je me suis contenté d’apporter un rythme à la chanson française. Et du lyrisme dans la joie. Avant moi, il y a eu Mireille. Disons que Mireille, c’est le petit chemin et moi, la route enchantée.



Hélène arme son appareil. Trop tard.



- Il est une heure et j’ai faim ! tonitrue Charles en filant vers sa voiture. Hélène remballe son matériel. Georges ferme la maison. Et la course poursuite continue, jusqu’à Gruissan où il a décidé de déjeuner. Douze huîtres plus tard, que suivront un gratin de moules, un turbot, un filet de bœuf, des morilles à la crème, une tarte tatin, il parle, Charles ! De son âge :

- Oui, je regrette ma jeunesse. C’est fou ce qu’on peut être bête quand on est jeune. Mais être bête et vieux, c’est un chef-d’œuvre…



Il évoque tous ceux dont il a croisé le chemin. Cocteau, Max Jacob, Charlie Chaplin, Artaud, Dali, Supervielle.



- La mort ? Je ne pense pas à elle. Et j’espère qu’elle en fait autant pour moi.



Morand, Pagnol, Kessel lui demandent de se présenter à l’Académie.



- Le temps que l’idée mûrisse et fasse son chemin, et ils ont tous disparu. Et je n’ai pas été élu.

Il pouffe, sans la moindre amertume. Charles est doué d’un talent qui n’appartient qu’aux enfants et aux amoureux : il ne vit que la minute présente.



Ce qu’il pense de notre époque ?

- C’est une époque formidable. Elle a mis la médiocrité à la portée de tout le monde.



Le bonheur ?

La mode est au marchands d’apocalypse et le bonheur s’est réfugié dans la publicité. Aujourd’hui, on complique tout. Au nom de la culture. La culture ? C’est la connaissance, sans la simplicité. Moi, je préfère chanter. Tant pis pour les modes, elles passent. De toute façon, il n’y a pas d’art mineur. Il n’y a que des artistes mineurs.

Il regarde autour de lui, avec avidité. Que veut-il encore dévorer ? Un paysage, un petit four, un calembour ?



- Et cette méfiance qui s’est insinuée en tout. Partout. Bon, la nuit tombe. Si on rentrait à Narbonne ? A Narbonne, épuisées, nous déclinons son invitation à finir la nuit dans un piano-bar.



Le lendemain, il n’est pas au rendez-vous. Il a pris la route à l’aube et nous nous sentons comme deux naufragées qu’une énorme vague a roulées, avant de les déposer, à bout de souffle, sur la plage. Loin du soleil.



- Charles vous embrasse, nous explique un message de Georges. Ce matin, il a eu envie de revoir Paris.

* * *




Vraiment, l’Opéra-Bastille ce n’est pas un théâtre, c’est plutôt une usine, où l’on se perd dans les dédales de couloirs, d’escaliers, d’ascenseurs, et où l’on se trouve mal dans cette salle froide, sans aucune intimité, avec près de trois mille places et, en guise de fauteuils, des espèces de cuvettes en matière plastique. Ce soir du 19 mai elle était remplie aux trois-quarts d’invités: Mitterrand avec son épouse, Jack Lang, Cabu, Bruno Masure, Jean-Louis Jaubert, un des ex-Compagnons de la Chanson, Jean-Jacques Debout et Pascal Sevran qui fêterait un an plus tard sur France 2 les Dix Ans de son émission "La Chance aux Chansons".





LES FANTÔMES DE L’OPÉRA



Selon Sandro Cassati, dans son livre "Charles Trenet – une vie enchantée" (City Editions - 2011) parmi les invités se trouverait aussi Marlène Dietrich – celle-ci pourtant décédée l’année d’avant ; tandis que Nelson Montfort dans "Le roman de Charles Trenet" (Editions du Rocher – 2013) et qui en fait, n’est qu’un condensé de ceux des sieurs Pessis, Cannavo et Cassati - inventait encore la présence de Serge Gainsbourg, déjà disparu en 1991 !



La soirée proprement dite fut plutôt ennuyeuse, manquant d’entrain et tirant en longueur. Elle se déroula essentiellement sur écran, où l’on vit défiler des personnalités du monde du spectacle avec leurs compliments, seuls Charles Aznavour, Eddie Mitchell, Ray Connick et Diane Foly chantant en direct. Et puis Charles lui-même n’était pas dans la salle, comme ce fut le cas en 1981 au Théâtre du Rond-Point. Il vint quand même chanter à la fin, mais la retransmission de France 2, cinq jours après, fut encore plus décevante: son tour ayant été tronqué et même "Mes jeunes années" qu’il chanta exceptionnellement avec le groupe Génération, avait été supprimée !



Ce ne serait qu’en 2006, soit 13 ans après, qu’EMI sortait un DVD avec l’intégralité des dix-huit chansons interprétées. Mieux vaut tard que jamais !















* * *




Les commentaires dans la presse, le lendemain, 20 mai :



CHARLES TRENET PREND LA BASTILLE

Yves Berton dans "le Parisien" :



Soirée exceptionnelle, hier soir, à l’Opéra Bastille. Stars de la politique et de la chanson côtoyaient le public pour célébrer les quatre-vingts ans du célèbre "fou chantant".



Un joli costume gris, très sobre, une rose (sic)rouge à la boutonnière, Charles Trenet, hier soir, à l’Opéra Bastille est apparu en pleine forme à la grande soirée "Joyeux anniversaire, monsieur Trenet", donnée pour ses quatre-vingts ans. Il swinguait avec toujours la même fougue. "Quatre-vingts ans, quel bel âge", devait songer le président de la République, François Mitterrand, fan du fou chantant et présent dans la salle avec son épouse et Jack Lang. Trenet a montré qu’il avait le même entrain comme lorsque, alors militaire, il balayait la cour de la caserne et avait composé "Y a d’la joie" pour se donner du cœur à l’ouvrage.



Son récital exceptionnel, superbe prélude à un palais des Congrès en octobre, Charles Trenet l’a "étrenné" avec
"Revoir Paris", une manière de rappeler que, enfant de Narbonne, il n’avait que dix-sept ans lorsqu’il a décidé de conquérir la capitale. On était en 1930.



Que de chemin parcouru depuis.
"Trenet, il nous a tous appris notre métier", lança Charles Aznavour, reprenant en ouverture de soirée "Ménilmontant".







Quinze minutes d’ovation



Pas de laser ni d’enseigne lumineuse style Las Vegas. L’Opéra Bastille pour souffler les quatre-vingts ans de Trenet était sobre comme lui.

L’atmosphère était toutefois la même qu’à Cannes. Sur les marches, de nombreux badauds venus voir les stars et vedettes faire "boum" avec Trenet lors d’un show conçu par Marc de Hollogne, ancien assistant de Maurice Béart. Pierre Palmade, assis sur une petite table, appelait au téléphone de nombreuses personnalités du spectacle qu’on voyait sur grand écran. Certains, comme Gérard Jugnot, habillé en clodo, semblait même en sortir. C’était magique. Le crooner américain Harry Connick Junior n’a pas manqué de chanter en anglais
"Que reste-t-il de nos amours".



En final, Trenet avec l’orchestre et les chœurs de l’Opéra Bastille, a chanté
"La mer" et bien sûr "Y a d’la joie". La salle lui a fait une standing ovation de près de quinze minutes, reprenant en chœur un émouvant "Happy Birthday".



Fatigué par sa prestation, Charles Trenet n’a pas assisté au cocktail organisé au foyer de l’Opéra par sa maison de disques WEA, préférant retrouver, au restaurant voisin de la Tour d’Argent
(N.D.L.A. : Les Grandes Marches) ses intimes et de nombreuses personnalités. Eddie Mitchell, Charles Aznavour, Jack Lang, Chantal Goya, Jean-Jacques Debout, Marcel Carné et bien d’autres.







TRENET A 20 ANS : LA PREUVE PAR QUATRE À L’OPÉRA-BASTILLE

Jean Miot dans Le Figaro du 21 mai 1993 :



Lorsqu’il arriva, à l’entracte, une salve d’applaudissements nourris le salua. Il s’assit, entouré de quelques proches : Mme Danielle Mitterrand, Roger Hanin, Pierre Bergé et une autre personnalité connue ; à sa veste – d’un violet à faire pâlir un évêque – on sut que ce n’était sûrement pas Jacques Toubon. A défaut de l’actuel ministre de la Culture, François Mitterrand avait sorti l’ancien, Jack Lang.



Le président de la République, qui honorait avec quelque 2 700 privilégiés le 80e anniversaire de Charles Trenet, a eu tort de rater la première partie : un film-hommage auquel ont participé cent trente personnalités du cinéma, de la chanson ou du monde médiatique.




Une salle debout



Un superbe montage, bourré de clins d’œil cinématographiques mêlant subtilement le rêve et la réalité, l’écran et le théâtre, l’émouvant et le désopilant.





Tous les jardins extraordinaires



Quand il entra sur scène, costume, chemise et cravate bleus, œillet rouge à la boutonnière, la salle était debout. Il posa son auréole en guise de chapeau sur le piano. Et le miracle commença avec "Revoir Paris" – comme pour nous remercier. Trenet a vingt ans. Il en a fait la preuve par quatre à la Bastille. Léger, comme à l’accoutumée, toujours la même fraîcheur d’âme, la même voix, mais encore plus comédien qu’hier (dans "Mamzelle Clio", il en rajoute à plaisir). Ce fou qui chante a marié pour l’éternité le jazz et la poésie. Personne ne résiste à l’incoercible besoin de rythmer du pied sa chanson de la pluie ou son cœur qui fait boum. On fredonne ses nouvelles chansons comme si on les connaissait déjà par cœur.



Il chante comme d’autres peignent, cuisent le pain, cultivent la vigne ou composent des symphonies, suivant leur mode d’expression. Alors tous les jardins deviennent extraordinaires. Et même si l’on pleure un peu cet amour de 15 ans, la vie devient belle aux rythmes du swing et de la polka.



Trenet a inventé le feu de joie perpétuel. C’est pour cela qu’il est éternel.






CHARLES ÉTRENNES

Serge Loupien dans ‘’Libération’’ du 21 mai 1993





Une centaine de vedettes du showbiz étaient réunies mercredi soir, sur scène et sur écran, pour souffler les 80 bougies de ce sacre vieux "fou chantant".




Même s’il s’est offert un franc succès quand, à la fin de l’entracte, flanqué de son épouse et de Roger Hanin, il a fendu la double haie formée par ses gardes du corps discrètement baraqués, François Mitterrand a été nettement battu à l’applaudimètre par celui qu’il venait honorer. Une standing ovation non-stop a en effet accueilli Charles le Narbonnais, qui fêtait joyeusement, mercredi soir sur la scène d’un Opéra Bastille plus que bondé, ses quatre-vingts balais.



Sobrement costumé, regard allumé, c’est un gaillard toujours vert, comme on dit, à l’élocution claire et nette, qui a attaqué "Revoir Paris" d’une voix pimpante ; avant d’aligner, comme à la parade, accompagné par un trio (deux pianos, une contrebasse) bien rodé, dix-sept de ses plus grands succès… et
"La mer" bien sûr, avec cocon symphonique maison rajouté.



Auparavant, une bonne centaine de personnalités étaient intervenues, la plupart sur écran géant, afin de participer à la fête de celui qui s’est autoproclamé pionnier de la fusion entre le jazz et la variété.



Un certain Tout-Paris de la fête s’était donné rendez-vous (y compris dans la salle où Jack Lang côtoyait Pascal Sevran, Guy Lux, Eddie Barclay, Pierre Tchernia…) pour aider notre "jardinier extraordinaire" de la chansonnette nationale à souffler ses quatre-vingts bougies.



Trenet, multipliant bons mots et mimiques à peine déposées, gambillant volontiers, de si bon cœur. Perpétuant avec ce qu’il faut bien appeler grâce, cet ineffable univers de plus en plus fantastique de la
"Douce France". Le tout un peu pervers au fond, suffisamment en tout cas pour conclure par un provocant "Y a d’la joie" en pleine panade sociale. Donnant l’image d’une France étriquée et dépassée que l’on ne peut se défendre de détester, mais qui, tantôt disparue, risque fort un jour de manquer.











TRENET A PRIS LA BASTILLE

"L’Humanité" du 21 mai 1993



Dans son costume avec œillet rouge au revers, cravate rayée et bien sûr, le feutre à la main, Charles Trenet a fêté ses quatre-vingts ans, mercredi-soir à l’Opéra Bastille. L’enfant de Narbonne a interprété dix-huit des quelque mille chansons qu’il a écrites pendant sa carrière, au premier rang desquelles "La Mer", bien sûr, qu’il présenta ainsi : "Vu que je l’ai écrite il y a cinquante ans, on peut l’appeler la Grand Mer". Charles Aznavour, Liane Foly et Eddy Mitchell sont également montés sur la scène, l’espace d’une chanson, tandis qu’une bonne centaine d’artistes de toutes disciplines ont adressé des messages. Longuement rappelé, Charles Trenet n’est pas revenu après "Y a d’la joie", ultime composition offerte sur un ton toujours primesautier, laissant aux spectateurs le soin de lui souhaiter un "joyeux anniversaire" en un chœur improvisé. Ceux qui n’étaient pas parmi les 2.500 « happy few » pourront se consoler en regardant l’enregistrement réalisé par France 2, lundi 24 mai, ou bien attendront le retour sur

scène du "Fou chantant" prévu du 28 octobre au 21 novembre au Palais des Congrès à Paris.






PARIS MATCH No. 2296/ 27 mai 1993

LE MONUMENT TRENET

Interview par Olivier Royant



"J’ai des comptes à régler avec moi-même"



Paris Match : - Que ressentez-vous quand un jeune Français de 20 ans vous aborde dans la rue pour vous dire : "Monsieur Trenet, j’ai acheté votre dernier disque" ?



Charles Trenet : - Un tel enthousiasme me rajeunit. Je crois retrouver l’ambiance de mes débuts. J’ai aussi un peu l’impression que le temps n’a pas passé. Les jeunes se ressemblent tous, d’une époque à l’autre.



- Et, comme à vos débuts, vous chantez la joie de vivre !



- A la fin des années 40, en France, les gens étaient tellement accoutumés à cette bonne humeur dans la chanson que Brassens m’a dit un jour : "J’ai mis dix ans à me débarrasser de toi."



- On vous voit rarement au milieu de personnes âgées.



- A Cannes, où j’ai une maison, il y a énormément de retraités. C’est pour cette raison que je ne vais plus sur la Croisette le matin, car il me fallait sans cesse rejouer le même rôle du passé : "Ah ! vous êtes mes 18 ans." "Ah ! vous me rappelez mes 16 ans." C’est démoralisant, à la fin.




- Cela fait plus de quarante ans que vous interprétez "La mer". Sur scène, ressentez-vous toujours une émotion en entonnant cet air universel ?



- Oui, toujours. Le plaisir et l’émotion sont intacts ! Mais, parfois, quand je suis fatigué, j’ai peur de ne pas me souvenir des paroles. Alors, quand je sens qu’un mot m’échappe, j’en dis un autre en vitesse, et ça passe.




- On a le sentiment que, contrairement à d’autres artistes, vous n’avez de comptes à régler avec personne.



- C’est vrai. Je n’en veux à personne. Je ne sais pas pourquoi, je n’ai aucun compte à régler avec les autres. C’est sans doute parce que j’en ai beaucoup à régler avec moi-même…




- Aucune amertume, aucune agressivité apparente. Vous aimez tout le monde ?



(Rire) – En général, on aime bien les gens qui vous aiment aussi ! La spontanéité de mon succès à mes débuts a fait que, très vite, je me suis habitué à la gentillesse du public et que, naturellement, je lui ai renvoyé cette affection.



- Récemment, au studio d’enregistrement, vous étiez très soucieux. Vous vous êtes tourné vers le cameraman et vous lui avez dit : "Non, pas maintenant. J’ai l’air préoccupé. Il ne faut pas que l’on pense que je suis de mauvaise humeur." Pourquoi ? Cela assombrirait l’image du "Fou chantant" ?



- Non, cela pourrait chagriner les gens qui seraient fondés à se dire : s’il est de mauvaise humeur - c’est bien le cas de le dire – c’est que son humeur est mauvaise, que son foie fonctionne mal ou qu’il est malade. Nous sommes remplis d’humeurs. Autrefois, on les chassait. Je fais de même !




- "Je chante" c’est moi, avez-vous souvent dit. C’est pourtant une chanson triste.



- C’est vrai. A la fin, c’est tout de même l’histoire d’un type qui trouve qu’il n’y a que de vraie liberté que dans la mort. Ce n’est pas exactement ma philosophie, mais je trouvais ça rigolo, cet homme qui continue à chanter quoiqu’il arrive.



- A quoi songez-vous quand à Nogent-sur-Marne ou au Canet, vous marchez sur la promenade Charles Trenet ou, à Narbonne, votre ville natale, sur l’avenue qui porte votre nom ?Vivant, vous êtes déjà une adresse !



- Je me sens un peu mort dans ces cas-là. Je me sens fantôme. D’ailleurs, j’ai un côté fantomatique. Dans beaucoup de mes chansons, il est question de fantômes. L’immortalité, on ne peut pas en juger tant qu’on est en vie. C’est une idée absurde. De toute façon, je préfère les choses de la vie.





- L’idée que les lycéens planchent sur vos textes vous plaît ?



- Bien sûr. Et vous savez, j’ai une autre œuvre poétique qui attend dans mon placard.

(Trenet se dirige vers le placard de son bureau et saisit une chemise bourrée de papiers).



- Un autre Charles Trenet ?

- Oui. Je vais vous montrer que je peux écrire des choses sérieuses et même des poèmes tristes.







Interview, à quoi bon. J’étouffe de mensonges.

Mourant de solitude au fond de ce couloir

Mais je veux de jadis exprimer les éponges

Et par la vérité faire éclater le noir.

Oui j’ai souffert, oui j’ai pleuré, oui j’étais pauvre

Et je le suis toujours et je pleure d’amour.

Et je n’ai pas trouvé dans la foi qui nous sauve

Le calme, le repos, la paix, le point du jour.





- Feuilleter ces souvenirs, ces photos, ces lettres d’amis, ces dédicaces d’auteurs, vous aide-t-il à vivre ?



- Ils réconfortent, ils tiennent compagnie. Mais ce sont les projets et l’avenir qui font avancer.



- Parmi tous ces gens que vous avez rencontrés, y en a-t-il qui vous manquent quotidiennement ?



- Oui, beaucoup. Mon partenaire d’autrefois, Johnny Hess, avec qui j’ai débuté. On a bien rigolé, à 20 ans. Jean Cocteau aussi. Je pense très souvent àlui. C’était un être extraordinaire.





- Votre bibliothèque est remplie de livres portant des dédicaces élogieuses. Les poètes vous considèrent comme un des leurs…



- Je devais les distraire de la littérature de l’époque. Ils ne rigolaient pas parce qu’ils prenaient des masques d’hommes sérieux, désespérés. Ils jouaient des rôles.





- Qu’y a-t-il de si différent dans l’âme d’un poète ?



- C’est moi qui ai fait dire à Cocteau : "Il y a les poètes et les grandes personnes." Un poète peut conserver vraiment très longtemps l’art de rêver. C’est la définition la plus simple que j’aie pu trouver.



- Vous avez entendu Elie Wiesel interpeller, à Washington, Bill Clinton : "Depuis que je suis allé en Bosnie, je ne trouve plus le sommeil." Qu’est-ce qui vous empêche de dormir ?



- Certaines images insupportables de famine en Ethiopie ou, plus récemment, en Somalie. Surtout quand ce fléau frappe des peuples aussi nobles.



- Très tôt dans votre vie, il semble que vous ayez décidé que vous n’alliez pas refaire le monde.



- Oh ! oui, alors ! Refaire le monde, quelle idée !



- Pourtant, vous avez côtoyé des gens qui pensaient qu’il fallait changer les choses à tout prix.



- C’était bien souvent des attitudes de poètes ou d’écrivains. Il faut accepter le monde tel qu’il est. Puis on se refait un monde à soi, voilà !

Seulement eux, ils étaient plus marqués par l’époque et ont oublié de la marquer eux-mêmes. Moi, je trouve qu’il vaut mieux marquer son époque qu’être marqué par elle.




- Puisque nous parlons d’époque, de quelle époque êtes-vous ? Avec quels gens vous sentez-vous le plus à votre aise ?



- J’ai toujours eu l’impression que mes chansons étaient un peu intemporelles. Pourtant, aujourd’hui, si j’avais 17 ans et si, débutant, j’arrivais à Paris et que je cherche un poète pour m’accueillir, je ne saurais qui aller voir, à quelle porte frapper. Avec Max Jacob et Jean Cocteau, c’était différent.



- Il y a ce vers de Saint-John Perse : "Et c’est assez pour le poète d’être la mauvaise conscience de son temps." On a le sentiment que vous avez préféré, vous, être la "bonne conscience" de votre époque.



- Qui peut avoir la mauvaise conscience de son temps, c’est-à-dire la conscience que son temps est mauvais, peut-être ? Je crois que la vie a été la même à toutes les époques. Mais maintenant, on sait plus de choses. Grâce à la "médiatie", on sait tout. Quand il y a une bagarre à Sydney, on est informé dès le lendemain. C’est ce qui fait que l’on peut croire que le monde est mauvais. Car on ne relate que les accidents, les drames. Dire, par exemple, qu’il y a un couple heureux, cela n’intéresse personne.



- Dans votre vie, il y a cette folie qui court partout et puis, d’un autre côté, cette extrême rigueur, cette discipline. Votre existence est tout à fait ordonnée : marche le matin à Vincennes, dans votre "cathédrale verte", sport, jogging, haltères, déjeuner à l’heure fixe, composition de chansons ou de fables.



- Oui, j’aime l’ordre et la fantaisie. C’est mon art de vivre. Souvent, les gens qui ont de la fantaisie, n’ont pas d’ordre. Ils risquent de rater leur vie – et ceux qui ont de l’ordre n’ont absolument aucune fantaisie. Il est très rare de trouver les deux.



- A quoi sert d’avoir dix maisons ?



- Comme dans une comédie, à changer de décor ! On ne joue pas tout au même endroit. Moi, je n’ai pas, dans la vie, la règle des trois unités : "Qu’en un jour, qu’en un lieu, qu’un seul fait accompli tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli." C’est un peu l’habitude des tournées. Plutôt que de rester dans des hôtels dont j’ai vite assez, j’ai essayé d’avoir des résidences multiples, sans penser que c’était ruineux. Bien sûr, il y a les impôts et l’entretien, mais enfin, je m’y trouve bien.



- Quand vous est venue cette passion pour l’astrophysique ?



- J’ai toujours été très intéressé par le sujet. J’ai eu le privilège de rencontrer Einstein et Bergson, et d’en discuter avec eux. Récemment, j’ai eu l’honneur de déjeuner avec le savant Hubert Reeves, l’un des hommes que j’admire le plus au monde.



- Vous n’avez jamais apposé votre signature au bas de pétitions ?



- Non, jamais. Pour moi, tous les partis politiques récitent le même évangile. Seules les musiques changent.



- Vous avez pourtant des amis politiques.



- Ce ne sont pas des amis politiques, mais des amis qui font de la politique. Ce qui me permet d’être très bien avec Jacques Chirac, un homme charmant. Je n’ai jamais discuté de politique avec Pierre Bérégovoy, que je connaissais bien. Lui me parlait de "la route enchantée" et de sa jeunesse. Mais la politique, non !



- A 80 ans, on ne vous entend jamais dire : "Tout fout le camp."



- Non. On a parfois l’impression que la vie s’accélère, mais tout revient après. La vie est comme un boomerang.





‘’La poésie a gommé les cicatrices de mon enfance’’



- A 80 ans, vous donnez l’impression de ne porter aucune cicatrice et d’être indifférent à la vieillesse.



- C’est exact. Peut-être la poésie fait-elle effet de chirurgie esthétique… La poésie a gommé les cicatrices de mon âme et de mon enfance. Ce qu’il faut, c’est ne pas être gai à tout prix, mais chercher la qualité des choses. Je ne peux pas toujours écrire des chansons joyeuses, mais enfin… "La vie n’est pas méchante, mais quand elle nous enchante, il n’est rien de meilleur". C’est ma philosophie…










LIRE PROCHAINEMENT :


CHARLES TRENET, L’ÉTERNEL BALADINGUE

AU PALAIS DES CONGRÈS

Octobre/Novembre 1993

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