QUAND ON EST CHEVAL DE FIACRE
Paroles : Charles Trenet - Musique : Johnny Hess
Non éditée - 1935
C’était le bon temps des chapeaux trop grands
Des tailles de serpent et des fanfreluches.
C’était le bon temps des grands sentiments
Des cœurs palpitants et des plumes d’autruche.
On admirait l’art de Sarah Bernhardt
Et les jolis yeux de la jeune Emilienne,
Le charme un peu gros de la Belle Otero
Et l’on dansait la valse comme à Vienne.
On entendait dans les chemins boisés
Parler entr’eux les petits chevaux qui disaient :
Refrain :
Ah ! quand on est cheval de fiacre
On a le ventre bien rempli,
Car le siècle nous consacre
Nous sommes ses petits favoris.
On a une belle crinière,
Un petit derrière tout nu
On connaît les belles manières
Car on est très bien entretenus.
On n’a pas grand-chose à faire
On conduit quand il fait beau
La marquise à ses affaires
Et le marquis dans son château
C’qu’on a d’eux c’est la clochette
Qu’on accroche au bon endroit
Et le soir dans sa couchette
On est heureux comme un roi.
Un jour est venu
Un monstre inconnu qui tomba des nues
Et conquit les villes
Alors tout trembla, alors tout changea
Et ce monstre-là fut l’automobile.
On vit des chauffeurs à toute vapeur
Semer la terreur à dompter les foules
Ils faisaient leurs courses vêtus de peaux d’ours,
Se moquant des chevaux et écrasant les poules
Et depuis lors les pauvres canassons
Chantèrent tristement cette chanson :
Refrain :
Ah ! quand on est cheval de fiacre
On a le ventre dégarni
Car le siècle nous massacre
Et nous traite comme des ennemis.
On a une sale crinière,
Des sabots tout mal foutus
On reçoit le pied dans le derrière
Parce qu’on marche comme des tortues.
On ne sort plus la trotteuse
Pour rester à la maison
Car la marquise est gâteuse
Et le marquis perd la raison.
Plaignez les chevaux de fiacre
Ceux qui restent sur le pavé
Comme leur vie est donc âcre,
Acre, âcre, à crever.
Répertoire Charles et Johnny.